Le Ressuscité est présent, au milieu de ses disciples. C’est une rencontre tout à fait insolite, d’un tout nouveau genre: jamais ils n’ont vécu pareille rencontre. D’où aussi la difficulté de la décrire.
Saint Luc note bien la frayeur, la crainte, le bouleversement, l’essai de compréhension…
Serait-ce un esprit, un fantôme, quelqu’un en lien avec le monde de la mort? On avait entendu parler de ces morts qui pouvaient se manifester auprès des vivants avant de retourner dans leurs tombes. Mais le Ressuscité ici présent, c’est différent. Il n’est pas une apparition d’un esprit. D’ailleurs le mot « apparition » n’est jamais employé dans les Evangiles, sauf dans la finale de Marc ajoutée au 2e siècle. Le Ressuscité n’apparaît pas, il est là, il se tient au milieu d’eux, en chair et en os. Il mange avec eux et il leur parle.
Mais il n’est plus comme eux. Il est là, ils le voient, ils mangent avec lui, il leur parle, et puis il n’est plus là. Par sa Résurrection, Jésus a ouvert une autre dimension de la matière.
Dans son excellent livre « Jésus de Nazareth », Joseph Ratzinger/Benoît XVI propose de considérer « la Résurrection comme une sorte de saut qualitatif radical par lequel s’ouvre une nouvelle dimension de la vie, de l’être homme. La matière elle-même est transformée en un nouveau genre de réalité. Désormais, avec son propre corps lui-même, l’homme Jésus appartient aussi et totalement à la sphère du divin et de l’éternel. » Désormais existe un lieu où l’âme immortelle trouve un « espace » et acquiert, dans cette nouvelle façon d’être corps, sa véritable signification: pouvoir être en communion avec Dieu et en communion avec l’humanité tout entière réconciliée.
Paul parle du corps cosmique du Christ, « indiquant par là que le corps transformé du Christ est aussi le lieu où les hommes entrent dans la communion avec Dieu et entre eux et peuvent ainsi vivre définitivement dans la plénitude de la vie indestructible ».
On est loin des esprits fantômes, aussi loin d’une réanimation comme celle de Lazare ou du fils de la veuve de Naïm: dans la Résurrection, un saut ontologique a été réalisé. Ce saut concerne l’être en tant que tel. Il ouvre une nouvelle dimension qui nous concerne tous, une dimension qui crée pour nous tous un nouveau milieu où peut se vivre la vie comme être avec Dieu.
Jésus ne vient pas du monde des morts – ce monde, il l’a définitivement laissé derrière lui. Jésus vient précisément du monde de la pure vie, il vient de Dieu comme celui qui est réellement le Vivant, celui qui est la source même de la vie.
cf. Joseph Ratzinger/Benoît XVI : Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, p. 303.
C’est de cette nouvelle dimension que les disciples du Christ ressuscité sont appelés à être les témoins.