« Seigneur, à qui irions-nous, Tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6, 68)
Ce qui frappe ici, c’est que saint Pierre a constaté une chose à la fois étonnante et mystérieuse:
Jésus parle, et sa parole donne vie, encourage, fortifie foi et confiance. Et Pierre répond au nom des Douze:
« Quant à nous, nous croyons que tu es le Saint de Dieu. » (Jn 6, 69)
Les paroles de la vie éternelle?
Plutôt « des choses de la vie éternelle ». La traduction « paroles » est faible, car il s’agit ici de ce que Jésus dit et fait, de ce qu’il communique par sa voix et par son être. Le grec n’utilise pas le terme logoi mais rêmata, mot qui inclut dans son sens le dire, le faire et l’être, les mots et les choses, la voix et le réel qu’elle transforme.
Ce sens élargi rend compte aussi de l’emploi le verbe « avoir » dont se sert Pierre ici.
Il ne dit pas: tu nous profères ou tu prononces des paroles de la vie éternelle, il dit: tu as des paroles… Et encore la traduction du verbe grec echo par avoir ne donne pas la profondeur de sens de ce verbe. Par le verbe « avoir » nous signalons en principe la nuance de « possession », comme si Jésus avait en lui des paroles de vie éternelle et qu’il pouvait les communiquer. Le verbe echo a comme sens premier « porter dans ses mains », et c’est cette nuance que nous retrouvons dans la réponse de Pierre: Jésus porte, présente, montre, offre, donne des choses de vie éternelle. C’est l’expérience très concrète qu’a faite Pierre: il a rencontré en Jésus celui qui ne garde pas pour Lui ce qu’il est, mais qui l’offre, qui le partage.
Et ce ne sont pas que des paroles vides, ce sont les ré-alités (rêmata) de la vie éternelle.
Remarquons aussi que la foi de saint Pierre n’a rien d’une foi exclusive, voire fanatique. Il ne dit pas: Toi, et toi seul, tu as toutes les paroles de la vie éternelle, mais il dit bien:
J’ai fait l’expérience avec toi que toi tu offres des (non pas les) choses de vie éternelle, tu offres ce que j’attends et ce que j’espère, et je mets donc ma foi et ma confiance en toi. Je n’ai pas besoin d’aller chercher ailleurs. Non pas, parce qu’ailleurs il n’y aurait rien à découvrir, qu’il n’y aurait pas de choses de vie éternelle. Non simplement, parce que toi, tu me les offres, Seigneur. Seigneur, Kyrie en grec, est un vocable qui réfère, au-delà du sens courant de Monsieur ou Sire, à Dieu dont on ne prononce pas le nom. Remarquons par ailleurs que la première personne qui dans l’Evangile de saint Jean utilise le terme Kyrios (Seigneur-Dieu) pour s’adresser à Jésus, c’est la Samaritaine qui près du puits à Sykar a rencontré en Jésus le Messie de Dieu.