Le Père SALIN Marcel (Gildas)
(1899 - 1977)

Né le 19.10.1899 à Kéryado (56)
Profès le 06.05.1920 à Brugelette
Perpétuelle le 06.05.1925 à Strasbourg (67)
Prêtre le 15.07.1928 à Louvain
Décès le 23.11.1977 à Grasse (06)

 

Sur un petit papier, au-dessus de son bureau, le Père Marcel avait écrit : "J'aurai 78 ans le 19 octobre 1977". C'est sur un lit d'hôpital qu'il célébra cet anniversaire. Il ne devait plus se remettre de la maladie qui l'avait atteint, dans ses forces vives, le 14 septembre. Mercredi der-nier, 23 novembre, à Grasse, au début de la matinée, il nous quittait sans bruit, en pauvre.
Tout au long de son séjour à l'hôpital, jamais un mot de plainte n'a surgi de ses lèvres : "Je ne m'ennuie pas... je pense à Dieu". Et il ajoutait : "Tout va bien... tout vient à point". Au terme de chacune des visites, il disait : "Merci, merci d'être venu me voir". Alors que son hémiplégie le faisait entrer progressivement dans l'inconscience, il re-trouvait une lucidité jaillissant de son être profond pour participer à la prière. Il répétait alors, dans une grande sérénité : "Seigneur, je t’offre ma vie pour le monde, pour l'Eglise, pour la Congrégation". Il affrontait la mort dans la paix.
Pendant les cinq années qu'il a passées parmi nous à Mougins, le Père Marcel nous a donné le témoignage d'un homme unifié intérieurement, profondément pacifique. Au plus intime de lui-même, il accueillait en la vivant la parole du Seigneur à ses disciples : "Que votre coeur ne se trou-ble pas". Sans doute, ses pertes de mémoire provoquaient en lui un peu d'impatience, mais il se reprenait vite, acceptant avec courage et beaucoup d'amour cette pénible diminution.
Dans son petit carnet noir qu'il feuilletait pendant son adoration quotidienne, il faisait sienne cette prière : "Pour ta gloire, Seigneur, accorde-moi la grâce de n'avoir qu'une souffrance, celle de faire souffrir mes frères et qu'une joie, celle de les aider à être moins malheureux... Seigneur, accorde-moi une volonté patiente, afin que mes frères soient heureux malgré mes défauts et leurs défauts, malgré leurs faiblesses et mes faiblesses".
Très jeune, il avait connu la souffrance. "En souvenir de mon en-fance malheureuse" avait-il écrit pour une ballade des pauvres de la banli-eue de Lorient, ballade qu'il avait recopiée et harmonisée. "Mon père mili-tait dans le parti socialiste. Il m'emmenait parfois aux réunions des ou-vriers. Et il me disait : "Marcel, ouvre tes oreilles".
Et le jeune Marcel ouvrait ses oreilles pour écouter la voix des pauvres, et à travers la voix des pauvres de son quartier, dont il parta-geait l'existence, il reconnut la voix du pauvre, Jésus-Christ. En septem-bre 1912, âgé de 13 ans, il quittait Lorient pour suivre Jésus-Christ, "qui est le chemin, la vérité, la vie".
Après son petit séminaire, à Mons en Belgique, il entrait au novi-ciat des Prétres du Sacré-Coeur et prononçait ses premiers voeux le 6 juin 1920. Il aimait rappeler ses années de théologie à la Faculté de Strasbourg. Ordonné prêtre le 15 juillet 1928, il se consacre au ministère de l'ensei-gnement. Ses anciens élèves se rappellent l'enthousiasme de leur professeur qui parfois les faisait sourire. Tout au long de sa vie, il donna le meil-leur de lui-même à la formation de jeunes dont beaucoup sont devenus prê-tres.
"Ouvre tes oreilles" lui avait dit son père. Fidèle à cet appel, il s'appliqua au prix de luttes parfois très rudes, à apprendre à écouter. Mais conscient que cela dépassait ses propres forces, il en fit une prière de supplication, consignée dans son petit carnet : "Seigneur, accorde-moi de savoir écouter, de savoir deviner, de savoir pardonner, afin que mes frères soient plus heureux. Rends-moi dévoué à tout ce qui est petit, insignifiant pour que je puisse prendre à coeur ce que personne ne prend à coeur. Rends--moi petit et suffisamment pauvre, pour que je sois moi-même aidé par les autres. Fais-moi reconnaître chez mes frères l'action toujours à l'oeuvre de ton Esprit, et célébrer en Jésus-Christ, ton Fils, les "merveilles de ton amour plein de tendresse". `
Comme le "ravi" des santons de Provence, il s'est laissé émerveillé par le Seigneur : difficultés, faiblesses et épreuves n'entamèrent jamais sa confiance en la tendresse de Dieu pour les hommes. Le chien est l’ami de l'homme, Je voudrais être le "chien de Dieu" avait-il griffonné sur un bout de pa-pier retrouvé dans sa chambre. C'est avec cette fidélité humble et modeste qu'il vient d'entrer dans la joie de Dieu.
L'Eucharistie que nous célébrons nous fait partager son action de grâces, celle de Jésus-Christ ressuscité. Et notre cher Père Marcel vient redire à chacun de nous ce que St Paul nous rappelait dans la 1ère lecture: "Dans notre vie et dans notre mort nous appartenons au Seigneur".
Nous ne résistons pas à l’envie de vous faire lire l’une de ses nombreuses poésies :

« LORSQUE L'HEURE VIENDRA »

1. Lorsque l'heure viendra pour moi de disparaître
Sous la dalle en granit ou sous le gazon vert,
Roulez mon vieux fauteuil au coin de la fenêtre,
Car je voudrais mourir en regardant la mer.

2. Puis, décrochant du mur la douce Croix divine
D'où me sourit toujours le grand Consolateur,
Glissez-la dans mes doigts crispés sur ma poitrine
Car je voudrais mourir en l'ayant sur mon coeur.

3. Et priez pour que Dieu me prenne à l'heure exquise
Où le soleil descend derrière les palus,
A l'heure où tinte au loin la cloche de l'église,
Car je voudrais mourir au son de l'Angelus.

(Père Marcel Salin, scj)


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