En notre siècle, les martyrs
sont revenus; souvent ignorés,
ils sont comme des "soldats inconnus" de la grande cause
de Dieu. Dans toute la mesure du possible, il faut éviter
de perdre leur témoignage dans lÉglise.
(Jean Paul Il, Tertio Millenio Adveniente
37)
Dans la lettre apostolique préparatoire au Grand Jubilé
de lAn 2000, Tertio Millenio Adveniente, le
Pape Jean Paul Il invite à conserver la mémoire
des chrétiens qui sont morts pour leur foi au cours du
XXè siècle.
En réponse à cet appel. une commission vaticane
a été mise sur pied, pour rassembler et cataloguer
lhistoire de plus de douze mille chrétiens du monde
entier, morts pour la foi au XXè siècle (Cf le livre
dAndrea Riccardi : Il secolo del martirio, i cristiani nel
novocento, Mondadore, Milano 2000). Il ne sagissait pas
de commencer des procès de béatification ou de canonisation,
mais de rappeler la mémoire des chrétiens qui furent
tués parce quils étaient chrétiens:
Lhistoire de leur assassinat
est lhistoire de leur faiblesse et de leur défaite.
Néanmoins ces chrétiens, malgré leurs faiblesses,
ont démontré une force morale et spirituelle hors
du commun: ils nont pas renoncé à leur foi,
à leurs convictions, au service des autres ou de lEglise,
afin de sauver leur vie ou dassurer leur survie. Dans une
extrême faiblesse et devant des risques graves, ils ont
fait preuve dune force remarquable... Et les chrétiens
du XXIè siècle sont invités à y réfléchir
afin dacquérir cette même force de foi."
(Andrea Riccardi, cit. p. 12).
La Famille dehonienne prend part à cette réalité.
Le 11 mars 2001, le P. Juan Maria de la Cruz Garcia Mendez (1891-1936)
a été déclaré bienheureux. Cependant,
le P. Mendez nest pas le seul martyr dehonien du XXè
siècle. Au cours des prochains chapitres, nous rappellerons
lhistoire de plusieurs Dehoniens qui ont témoigné
de la puissance de la faiblesse dans la foi chrétienne.
Nous voulons ainsi répondre à linvitation
de notre supérieur général, le P. Virginio
Bressanelli « à récupérer...
la mémoire historique de ces figures significatives de
nos frères et soeurs qui peuvent être des modèles
et des stimulateurs pour vivre plus intensément la vocation
et la mission que nous avons dans lEglise et le Monde daujourdhui
(Prot. N. 286~2000) »
(cf Bernd Bothe, Märtyrer der Herz-Jesu-Priester, 2000)
LE PÉRE ADRIEN PUNT
(Hollande - brésil)
Voici quelques lignes dun long poème écrit
par une femme en lhonneur du P. Paulo "le Pêcheur",
pour son anniversaire, trois ans avant sa mort :
Promoteur de la personne humaine,
Lui enseignant comment travailler
Lui indiquant la voie
Pour lutter en faveur de la vie.
Son Église, cest la mer
Son autel, un navire
Toujours prêt à aider
Un fidèle sur la vigne.
En décembre 2000, les Dehoniens du Brésil ont reçu
linvitation suivante:
Le maire de Tamandaré (Pernambuco, Brésil),
Paulo Guimaràes dos Santos, a lhonneur de vous inviter
à une concélébration, le 15 décembre
2000, à 18h00, à la Colonia dos Pescatori [le quartier
des pêcheurs], à loccasion du vingt-cinquième
anniversaire du décès du P. Paulo Punt. Après
la messe, un monument sera dévoilé en son honneur
sur la place.
Mais qui était donc ce confrère dont les habitants
de Tamandaré se souviennent encore?
Né aux Pays-Bas en 1913, il quitta sa terre natale en 1936
pour renforcer la présence dehonienne au Brésil
du Nord. Après son ordination en 1941, il a fait du ministère
paroissial. En 1968, il fut envoyé à Tamandaré
et, en plus du travail paroissial, soccupa des pêcheries.
Il fut très marqué par la situation difficile des
pêcheurs et des pauvres parmi lesquels il vivait. Le P.
Paulo les aida à sorganiser en coopérative.
Il en devint le président. Ville côtière,
Tamandaré était un point dentrée pour
lalcool de contrebande et les produits électriques
domestiques. En constatant cela, le P. Paulo comprit que les pêcheurs
pouvaient innocemment être impliqués dans ce trafic,
et être ainsi accusés. A plusieurs reprises il dénonça
les contrebandiers, ce qui lui valut plusieurs ennemis et tentatives
dintimidation.
En vue de le forcer à quitter la ville, on laccusa
dêtre communiste, accusation grave à lépoque
de la dictature militaire.
À plusieurs reprises, le P. Pedro Neefs, alors supérieur
provincial, avait tenté de le convaincre de quitter Tamandaré,
craignant pour sa vie. Mais même convaincu des risques sérieux
pour sa vie, le P. Paulo croyait fermement quil devait rester
à Tamandaré.
Ses nombreuses activités lont empêché
de se rendre compte de la toile qui se tissait autour de lui.
Le 15 décembre 1975 était un jour de fête.
On célébrait la "graduation" à
lécole secondaire. A la fin de la journée,
après les célébrations, lassassin se
dirigea vers. Paulo et tira trois balles mortelles.
Il avait donné sa vie aux faibles et aux pauvres, et il
faut reconnaître que ces balles meurtrières nont
pas réussi à le faire oublier par les gens de Tamandaré.
Martyr de la persécution religieuse durant la guerre civile
espagnole :
BIENHEUREUX JEAN-MARIE
DE LA CROIX MENDEZ
(Espagne)
La
vie et le martyre du P. Mendez, scj, nous entraîne dans
un chapitre sombre de lhistoire moderne de lEspagne
: la persécution religieuse durant la guerre civile, de
1936 à 1939, entre forces républicaines et forces
nationalistes.
Mariano Garcia Méndez, laîné de 15 enfants,
est né le 25 septembre 1891, à San Esteban de los
Patos, dans la province dAvila. Après le séminaire,
il fut ordonné prêtre pour le diocèse dAvila,
où il a travaillé dans plusieurs paroisses jusquà
la fin de 1925. Animé dun grand désir de perfection,
il se tourna vers la vie religieuse, mais ses premières
tentatives se heurtèrent à sa santé fragile.
Après son noviciat à Novelda (Alicante), Mendez
fit sa première profession le 31 octobre 1926 et prit le
nom religieux de P. Juan Maria de la Cruz. Démontrant peu
de talent pour lenseignement au petit séminaire de
Novelda, il devient prêtre itinérant en 1929, quêtant
dans les villes et villages tout en recrutant des élèves
pour le petit séminaire de la congrégation.
En 1936, la guerre civile éclata. Le 23 juillet, le P.
Juan se rendit à Valencia pour y trouver refuge avec un
des bienfaiteurs de la congrégation. En se rendant
de la gare à la maison de Señora Pilar, il passa
devant léglise "de los Juanes" au centre
de la ville. "Un horrible spectacle" - selon ses propres
mots - soffrit à ses yeux: des hommes démolissaient
lintérieur de léglise et se préparaient
à lincendier. Il ne put se taire et cacher son horreur
en voyant flamber léglise. Lorsque les scélérats
se dirent les uns aux autres: "Cest un réactionnaire!"
il répondit "Non, je suis prêtre !" Les
républicains larrêtèrent aussitôt
et lamenèrent à la prison Modèle de
Valencia. Après coup, des témoins se rappelèrent
quen prison, le P. Juan mena une vie exemplaire comme prêtre.
Il resta fidèle à ses pratiques religieuses, se
préoccupa dautres besoins pastoraux, tout en se préparant
au martyre. Dans la nuit du 23 au 24 août 1936, il fut emmené,
avec neuf autres prisonniers, au sud de Valencia pour être
exécuté. Le 24 août, les dépouilles
des victimes furent jetées dans une fosse commune au cimetière
de Silla. (Bothe, Martyrs Dehoniens du 20è siècle,
p. 14).
Le 11 mars 2001, le Pape Jean-Paul Il la déclaré
bienheureux, ainsi que les autres martyrs espagnols.
Le P. Juan Garcia Méndez
scj (par le père H. Chiarello, scj)
Éléments biographiques
Né à San Esteban de los Patos (Avila) le 25 septembre
1891, premier de 15 enfants, il reçut comme nom celui de
son Père, Mariano. Baptisé le 27 septembre 1891
à la paroisse San Esteban de los Patos, il a été
confirmé à Venta de San Vicente le 13 avril 1893.
Encore petit, il sentit lappel à la vie sacerdotale
et fut admis au Séminaire dAvila, dabord comme
externe (1903-1907) pour ses études littéraires
et, ensuite, comme interne (1907-1916) pour étudier la
philosophie et la théologie, obtenant toujours des résultats
scolaires plus quexcellents.
Séminariste, il percevait, en plus, lappel à
unir au sacerdoce la vie religieuse. Il a donc été
novice des Dominicains à Avila, pendant un an, à
partir du 15 août 1913, mais na pas été
admis à la profession en raison de sa santé fragile.
Ordonné prêtre le 18 mars 1916, il fut curé
à Hernansancho, à Villanueva de Gômez et à
San Juan de la Encinilla.
Le 15 septembre 1921, il devint aumônier du Noviciat des
Frères des Ecoles Chrétiennes, à Nanclares
de Oca (Alava), pour se reposer des labeurs pastoraux et pour
se refaire une santé. Ayant obtenu lautorisation
de son Évêque dentrer dans lordre des
Carmes déchaux, le 9 juin 1922, il entre dans le couvent
de Larrea Arnorabieta (Vizcaya) mais il doit en sortir un an plus
tard pour des raisons de santé et dépuisement
nerveux.
Rentré dans le Diocèse, le 4 juin 1923, il fut curé
à Santo Tomé de Zabarcos (Avila) et à Sotilbos
de Palomas.
Durant cette période, devant se rendre tous les mois à
Madrid pour son service militaire, il fréquentait, dans
ses moments libres, léglise des Religieuses Réparatrices.
La Supérieure le présenta au P. Guillaume Zicke
qui linvita à entrer dans la Congrégation
des Prêtres du Sacré-Coeur (Padres Reparadores).
Il quitta donc, de nouveau, le Diocèse pour entrer, le
16 juillet 1925, au Noviciat de Novelda (Alicante). Il y fera
ses premier vux le 31 octobre
En 1926, en faisant profession damour, doblation et
de réparation au Cur de Jésus, il prend le
nom de Jean-Marie de la Croix, en honneur de la Vierge Marie et
de St Jean de la Croix, originaire dAvila, comme lui, nom
quil avait déjà pris chez les Carmes déchaux.
Comme première charge, il sest vu confier la charge
de professeur de religion au Collège de Novelda, en exerçant
aussi son ministère de prêtre dans léglise
du Sacré-Cur de Jésus.
A la fin de lannée scolaire, on lui accorde la permission
de faire un voyage à Rome, en 1927. Plus quune visite
touristique des différents monuments historiques et artistiques,
il accomplit un pèlerinage, en visitant les catacombes
de St Callixte et les tombeaux des premiers martyrs, attiré
par tout ce qui a trait au christianisme. Sur la voie du retour
en Espagne, il passe par Lourdes, en signe de dévotion
mariale.
Nommé à lÉcole Apostolique de Puente
la Reina (Navarre), il y reçut la charge de promoteur des
vocations et de quêteur pour lentretien des élèves
et de la communauté religieuse, en voyageant à travers
les villages à la recherche de bienfaiteurs et de candidats
au séminaire.
Il avait choisi la vie religieuse par amour de la solitude et
du recueillement, et il sest trouvé obligé
de parcourir les villes et les villages pour quêter. Mais
il accepta toute peine et toute fatigue dans un esprit dabnégation
et de sacrifice, selon lesprit propre à notre Congrégation,
comme le faisait remarquer le P. Zicke.
Il alternait les périodes de voyages avec des périodes
de repos au couvent où il vivait dans la plus parfaite
observance religieuse, en remplaçant des professeurs, en
prêchant les exercices spirituels à des communautés
religieuses.
En persistant dans son penchant pour la vie contemplative, il
entre au monastère de Côbreces (Cantabria) des moines
Trappistes, mais, une fois de plus, sa santé ne suit pas.
Cest pourquoi il revient dans la Congrégation pour
continuer son ministère de quêteur.
Etait-ce uniquement en raison de sa santé ou plutôt
le dessein de Dieu ?
Le 14 avril 1931, a lieu en Espagne la proclamation de la République
qui, peu après, se distingue par sa lutte contre lÉglise.
Cela fait naître, chez les croyants, lidée
dune croisade et la pensée du "martyre
dont le P. Juan se fait, lui aussi, porteur. En plusieurs occasions,
il manifesta le désir et la joie de mourir martyr.
Le 18 juillet 1936, éclate la Guerre Civile et commence
la persécution avec la "chasse au prêtre.
On évalue à environ 6.832 victimes parmi les évêques,
les prêtres, les religieux et les religieuses, en plus dune
innombrable quantité de chrétiens laïcs.
Au mois de juillet 1936, le P. Juan fut envoyé pour prendre
un peu de repos à Garaballa (Cuenca), dans une communauté
religieuse qui venait douvrir, auprès du Sanctuaire
de Notre-Dame de Tejeda.
Quand la ville de Cuenca est tombée entre les mains des
révolutionnaires marxistes, aucun religieux nétait
plus en sécurité dans cette maison. Suivant le conseil
du Maire, ils ont tous quitté le Sanctuaire, ayant mis
des vêtements civils pour échapper au danger. Le
P. Juan, vêtu dune veste usée de paysan, prit
le chemin de Valence où on ne le connaissait pas. Mais
le jour même de son arrivée dans cette ville, le
23 juillet, en passant devant léglise Saint Jean,
il aperçut quà lintérieur on
brûlait des objets et du mobilier sacrés. Poussé
par son esprit de prêtre et par son caractère fort
impulsif, il protesta contre ce sacrilège. Cela lui valut
dêtre arrêté devant la même église
et jeté immédiatement en prison à Carcere
Modello de Valence.
Quelle horreur! Quel crime! Quel sacrilège! :
avait-il protesté à haute voix, en dévoilant
sa qualité de prêtre. Il fut tout de suite arrêté,
comme en témoigne un de ses compagnons de prison (Lavocat
José de Montas Gonzâlez Campuzano).
Il resta en prison un mois, en se préparant au martyre.
En prison, il suivait le même horaire quà la
communauté religieuse. Il récitait publiquement
son bréviaire, devant ses geôliers et sans être
gêné par des considérations dordre humain.
Il réconfortait les prisonniers, en particulier les nouveaux
arrivés. Ses compagnons de détention lappelaient
affectueusement Frère grand veston", à
cause de sa tenue vestimentaire (Baron Emilio Frigola Ferrer,
détenu dans la même prison).
Le 23 août, à dix heures du soir, il fut emmené
de la prison, avec neuf autres compagnons et fusillé au
pied dun olivier dans la propriété El
Sario, près du village de Silla. On lenterra
au cimetière de Silla, dans une fosse commune.
Le 28 mars 1940, à lexhumation de son corps, on a
trouvé ses os intacts et son crâne en morceaux, sa
croix de profession religieuse, son scapulaire du Sacré-Cur
troué par deux balles et un agenda écrit de sa main,
maculé de sang et traversé par plusieurs balles.
Dans lagenda, il y avait lhoraire quil avait
suivi en prison, en commençant à 5 heures du matin,
jusquà neuf heures du soir, en accomplissant ainsi
toute les pratiques religieuses prescrites par la Règle.
La dépouille mortelle fut transférée à
Puente la Reina, à lEcole Apostolique des Prêtres
du Sacré-Cur, devenant tout de suite lobjet
de vénération de la part du peuple. Elle y attend
la glorieuse résurrection.
Profil spirituel
1. Le milieu familial. Le P. Juan
a grandi dans la véritable austérité dune
famille de paysans, dans un climat familial très pieux,
en simprégnant auprès de ses parents des richesses
de la foi. Son village nayant pas de prêtre à
demeure, son père dirigeait les prières dans léglise
paroissiale, par exemple la neuvaine de St Joseph et, au mois
doctobre, le rosaire.
Ses années de séminaire se caractérisent
par une conduite irréprochable, par une vie de prière
intense, par une assiduité constante aux études.
Il maintient toujours le désir de se consacrer au Seigneur
dans une vie plus austère et monastique. Durant son séminaire,
il était toujours proposé par ses Supérieurs
comme modèle aux autres séminaristes.
C'était un modèle en tout; on percevait en
lui une humilité profonde et c'était un jeune dun
talent extraordinaire (labbé Ferreol Hernandez-Hernandez).
Il se distinguait toujours par sa vie exemplaire... Il était
très jovial et plaisantait avec tous, sans jamais troubler
l'harmonie entre ses copains (labbé Vittoriano
Doroteo Almarza Escudero)
Comme curé, cétait un exempte de prière,
daustérité personnelle et daide charitable
pour les pauvres. Les fidèles attestent quil fut
un curé plein de zèle et pieux, très austère
dans sa vie personnelle; quil laissa une traînée
de vertus héroïques et de sainteté, en se distinguant
plus particulièrement par son esprit de prière et
de charité envers les pauvres. Il vivait de ce que les
gens lui donnaient, sans rien demander. Il ne faisait même
pas passer, à léglise, la corbeille pour recueillir
les offrandes.
Ne parvenant pas à entrer dans un ordre cloîtré,
il sengagea à vivre dans le monde une vie daustérité
et de mortifications, en s'imposant même le cilice.
Dans une rixe à Hemansancho, il y eut quelques morts et
des blessés. Sans se soucier des balles, labbé
Mariano sapprocha des blessés pour les secourir.
En racontant cet événement à des amis, lagresseur
meurtrier a dit: Jai laissé par terre quelques
chevreaux. Je ne voulais pas tuer le curé parce que c'est
un Saint.
Religieux, il fut un observant fidèle de la règle
et des vux. Pendant neuf ans, il accomplit son service à
Puente la Reina, en laissant à ses confrères un
modèle de vie religieuse par sa conduite exemplaire et
édifiante. Il a également laissé une réputation
de sainteté auprès de nombreux prêtres et
laïcs quil avait rencontrés lors de ses voyages
de quête.
Quand il se trouvait en dehors de la communauté, il prenait
soin dobserver un horaire particulier, approuvé par
son Supérieur. En rentrant dans la communauté, il
se levait la nuit pour aller prier à la chapelle, à
genoux. Nerveux de tempérament, il savait se contrôler
et dominer ses propres impulsions, mais il ne parvenait pas à
se contrôler lorsque les intérêts de Dieu était
en jeu. Cest ce qui le mènera à la mort.
Dans ses voyages, il était attentif à la promotion
des vocations. Plusieurs jeunes de lépoque, devenus
religieux dehoniens, lui doivent leur vocation.
2. Lamour de lEucharistie et
la dévotion à la Sainte Vierge ont soutenu son cheminement
spirituel.
LEucharistie a été au centre de sa vie.
Déjà jeune garçon, il communiait tous
les jours et ne pouvant le faire dans son village à
cause de labsence de prêtre, il allait, en faisant
bien évidemment un sacrifice, dans dautres villages.
Parfois, il devait parcourir plusieurs villages. en essayant de
communier, sans
trouver de prêtre. Une fois, en allant dun village
à 1autre, il n'est rentré chez nous que le
soir, se souvient sa sur Juana.
Comme curé, il encouragea la communion fréquente.
Il se rendait à léglise tôt le matin
pour distribuer la communion aux ouvriers, avant quils naillent
travailler.
Religieux quêteur, il faisait de lapostolat en diffusant
la dévotion à lAdoration perpétuelle
et à lAmour miséricordieux du Cur de
Jésus. On lui doit la pratique de lAdoration perpétuelle
dans des village de Navarre et du Pays Basque. Il commençait
ses tournées de chercheur daumônes par la visite
au Saint-Sacrement de léglise la plus proche du village.
Il rendait fréquemment visite à lEucharistie
et en faisait le thème préféré de
ses discours, conférences et exhortations.
La Sainte Vierge était son autre grand amour.
On conserve une lettre quil a écrite à la
Reine du ciel, à loccasion de la fête de lImmaculée
Conception. Il avait une grande facilité pour parler sur
la Sainte Vierge:
"Quand on aime beaucoup la Vierge Marie, cela ne nécessite
pas beaucoup de préparation, disait-il.
Sa dévotion à la Sainte Vierge était
extraordinaire. Il nous préparait aux fêtes de la
Vierge par des sermons pleins de douceur (le P. Clemente
Santiago Sanz-Sanz).
Ce qui resplendit dans sa vie dune façon particulière,
ce sont lhumilité et la charité.
Son humilité se manifestait par une opinion très
modeste de lui-même et par sa soumission à la volonté
des supérieurs. Il demandait des permissions même
pour des choses que dautres considéraient sans importance.
Sa charité envers les pauvres était éclatante.
Comme curé, il vivait pauvrement mais aidait ceux qui étaient
dans le besoin; comme religieux, cest lui qui se chargeait
de donner laumône aux pauvres qui frappaient aux portes
du couvent.
Religieux, il fut obéissant aux Supérieurs et observait
la pauvreté. Au retour de ses voyages de quêteur,
il faisait un compte rendu parfait de ce quil avait récolté,
en remettant le tout au Supérieur. Après sa mort,
dans sa chambre, on trouva très peu dobjets personnels.
3. Le martyre
Préparation. En consolant une dame dont le fils, missionnaire,
était fait prisonnier des communistes en Chine, en 1935,
il lui dit: Votre fils est un martyr. Ah, puissé-je
avoir le même sort et être persécuté
et mourir pour le Christ (le P. Joachin Sola Uterga).
Il pressentit la tragédie de 1'Espagne de 1936. Je
me souviens que .. quelques jours avant quéclate
la révolution, je lentendis dire qu'il allait prier
beaucoup pour 1Église et pour l'Espagne parce quapprochait
"le temps des martyrs". Dans ses sermons et ses conversations,
il manifesta, à plusieurs reprises, son désir du
martyre (le P. Clemente Santiago Sanz-Sanz).
En 1936, quand le paysage politique en Espagne se fit plus menaçant,
en visite chez son frère Victor, il dit quil ne craignait
pas pour sa vie, "puisque nous sommes entre les mains de
Dieu pour faire sa volonté."
A lapproche de la Révolution, un jour de retraite
à Garaballa, l'enthousiasme avec lequel il
parlait du martyre était admirable. Il prévoyait
clairement ce qui se préparait et il nous incitait tous
à la ferveur en sorte que, déjà, à
lépoque, on ne parlait que de la gloire des martyrs
(le P. Lorenzo Cantô Abad).
La vie en prison. Je me trouve en prison depuis trois semaines,
pour avoir proféré des
phrases de protestation contre le spectacle horrible déglises
brûlées et profanées. Dieu soit loué
! Sa très sainte volonté soit faite en tout. Je
mestime heureux de pouvoir souffrir un peu pour Lui qui
a tant souffert pour moi, pauvre pécheur, écrivait-il
de la prison à Mgr Philippe, Évêque du Luxembourg.
Le jour même de mon arrivée à Valence,
on m a emprisonné dans Carcere Modello de la ville,
en compagnie dautres prêtres, religieux et laïcs.
Mais, grâce à Dieu, je suis tranquille et préparé
à ce que la Divine Providence décidera de moi. Joccupe
la cellule 476, galerie quatre, écrivit-il à
Monsieur le Maire de Garaballa (Cuenca), Anastasio Garro.
Durant le temps de la promenade, il sagenouillait dans la
cour pour prier le Bréviaire. A ceux qui le dissuadaient
de ces manifestations, il répondait quil ne fallait
pas se laisser guider par des raisonnements humains mais confesser
sa propre foi en Christ et imiter ainsi les martyrs des premiers
siècles. Pendant la journée, les prisonniers se
réunissaient en groupes, le matin pour prier les Litanies
des Saints, laprès-midi pour réciter le Rosaire.
Le P. Juan avait son groupe, mais souvent, il sadressait
aussi à dautres groupes pour les animer et pour les
exhorter. Un professeur du Séminaire vint pour lui rendre
visite, en apportant lEucharistie. Le P. Juan insista et
obtint de pouvoir garder pour lui, toute la journée, le
Saint-Sacrement. Cétait pour lui une journée
céleste. (le P. Tomâs Vega, rédemptoriste,
compagnon de prison).
Il ne cacha jamais son état de religieux, jusqu'à
dessiner un Chemin de Croix sur les murs de sa cellule. Quand
on 1a découvert, on 1a insulté et on
voulut le transférer au cachot: ce qui, heureusement, narriva
pas. (un autre témoin, compagnon de prison).
Il ne fit jamais rien, que je sache, pour recouvrer la liberté.
Plus dune fois, il me dit qu il était disposé
à faire ce que Dieu lui demanderait... Il se comporta toujours
comme un prêtre très digne. Chaque fois quand on
lui disait quon avait tué un de ses compagnons de
prison, il répondait toujours quil était prêt
à faire ce que Dieu voudrait (Antonio Meseguer Lleonart,
électricien et plombier détenu dans la même
prison).
Je me rappelle lavoir vu tous les jours dans la cour
de la prison prier avec son livre de prières, pendant une
heure ou une heure et demi, vers le soir. On le voyait tant prier
que quelquun avait dit: un jour, on va tuer le "Père
grand veston" comme un petit oiseau
Son comportement du temps de son emprisonnement fut extraordinaire,
dune grande sérénité et tranquillité
desprit Ce que je ne pourrais pas dire de beaucoup de mes
compagnons de prison (Baron Emilio Frigola Ferrer, compagnon
de prison).
Les témoins attestent que quand on la extrait de
sa cellule il allait - au martyre -joyeux et allègre,
presquen bondissant de joie (le P. Lorenzo Cantô
Abad).
Le martyre couronna ainsi une vie sainte, toute vouée à
Dieu et au bien des âmes, une vie damour et doblation
réparatrice au Christ, et de ferveur pour le salut des
âmes.
4. Vénération du peuple
Selon lopinion générale de la population,
sa mort fut un véritable martyre. ... Je sais que dans
tout le Nord de l'Espagne, très nombreux sont ceux qui
invoquent le Serviteur de Dieu et se recommandent à lui
(le P. Lorenzo Cantô).
Je sais quil y a des gens qui se confient au Serviteur
de Dieu, et disent avoir reçu des grâces par son
intercession. Jen ai reçu plusieurs témoignages
de gens qui venaient pour voir sa tombe. (le P. Ignazio
Maria Belda Perez).
Un Père du Saint-Sacrement (le P. Antonio Gomez Barrena)
qui avait lhabitude dhéberger le P. Juan pendant
ses voyages de quête, évoque le P. Garcia dans les
termes suivants: Maintenant, depuis que jai eu la
nouvelle de son martyre, je me rends compte que le P. Juan était
un prêtre duquel on pourrait dire, daprès une
phrase de St Paul, que ce n était pas lui qui vivait
mais cétait le Christ qui vivait en lui
.Victimes de la terreur
nazie :
Nicolas-Antonius WAMPACH
et Joseph-Benedikt STOFFELS
(Luxembourg)
"Je
suis entre les mains de Dieu; un prêtre catholique se doit
dêtre toujours fier de porter avec lui la croix de
notre Maître. Je trouve ma consolation dans la prière
et lunion avec Dieu, comme dans votre amour pour moi."
(Camp de Concentration de Dachau, 3 mai 1942, lettre du P. Stoffels
à sa soeur.)
Le P. Joseph Benedict Stoffels (né le 13 janvier 1895 à
Itzig, Luxembourg) et le P. Nicholas Anthony Wampach (né
le 3 novembre 1909 à Bilsdorf Luxembourg) étaient
deux prêtres dehoniens envoyés à la Mission
du Luxembourg à Paris, près de lendroit où
serait érigée plus tard la paroisse St-Joseph Artisan.
On considère le P. Stoffels comme le fondateur de la mission
du Luxembourg à Paris, alors que le P. Wampach y fut envoyé
par son supérieur en 1938, pour ly aider alors que
le travail pastoral auprès de ses compatriotes luxembourgeois
augmentait.
Dans son livret sur les Martyrs Dehoniens, le P. Bothe
écrit:
En 1940, après linvasion du Luxembourg par
les Allemands, plusieurs ont fui vers Paris où les deux
Dehoniens, avec un prêtre diocésain, ont aidé
les réfugiés et, après la chute de la France,
ont continué à en aider plusieurs qui cherchaient
à retourner au Luxembourg. Dans un journal, on lit: La
Gestapo (la police secrète nazie) soupçonnait ce
travail purement charitable dêtre de lespionnage.
Après plusieurs interrogatoires et emprisonnements vers
la fin de 1940, les deux prêtres furent finalement arrêtés
le 7 mars 1941 et envoyés à Buchenwald, pour être
transférés plus tard à Dachau le 21 septembre
1941. Dépouillés même de leurs identités,
on tatoua un numéro sur leur bras. Le P. Stoffels était
le #27179 et le P. Wampach le #27178. (Bothe, p. 19)
Officiellement, ils sont morts de bronchite ou dangine.
On envoya les cendres du P. Stoffels à sa famille. Comme
cétait lhabitude en beaucoup de cas similaires,
les funérailles se déroulèrent sous la surveillance
de la Gestapo, le 31 août 1942, presque secrètement,
sans cloches, chants ou participation des paroissiens.
Cest seulement après quarante ans de recherche
que lon a appris que les deux prêtres dehoniens furent
tués par gaz au Château Hartheim, en Autriche, avec
deux autres prêtres du Luxembourg. Hartheim est situé
à environ 265 Km de Dachau, dans une petite région
dAutriche appelée Alkoven, près de Linz. On
y construisit une chambre pour expérimenter différents
types de gaz. Le voyage de Dachau à Hartheim dura environ
quatre heures. Les fenêtres de la fourgonnette, désignée
officiellement comme une ambulance, étaient obscurcies.
Au château, les procédures étaient les mêmes
que dans les autres camps de concentration. On dénudait
les prisonniers et, sous prétexte quils allaient
être photographiés, on les envoyait aux douches où
ils étaient gazés
(Bothe, p. 21)
Non un missionnaire,
mais un martyr exemplaire:
P. Martino Capelli, scj (1912-1944)
(Italie)
Peu
après sa première profession en 1931, Nicholas Martino
Capelli écrivit, après avoir écouté
une conférence sur les martyrs du Mexique:
"Ô Vierge des martyrs mexicains, donne-moi dêtre
un jour, moi aussi, martyr pour le Christ-Roi et pour toi, Vierge
Immaculée. Ma Mère, je t'écris encore tout
bouleversé du récit de ces martyrs mexicains. Je
suis sûr que, par leur intercession, tu réaliseras
mon désir. Ton fils, Frater Martino Capelli. (Missionario
mancato -- martire esaudito: P. Martino Capelli, scj, Postulation
SCJ, Bologne 1996)
Né à Nembro, dans la province de Bergamo, il a été
ordonné prêtre en 1938 à Bologne. Le P. Capelli
avait rêvé dêtre missionnaire en Chine,
un projet de la Province ditalie qui ne sest pas réalisé.
Ses supérieurs lont plutôt envoyé à
Rome à cause de ses grandes aptitudes pour les études.
"Jespérais être missionnaire, mais me
voilà plutôt condamné à finir mes jours
comme enseignant. (P. Capelli, dans une lettre datée
du 10 octobre 1939)
A Rome, il étudia à lInstitut Biblique et
à IUrbaniana où il obtint sa licence en théologie
cum laude. En 1943, il quitte Rome définitivement pour
enseigner lÉcriture et lHistoire de lEglise
à Castiglione (près de Bologne), où le scolasticat
a été déménagé pour des raisons
de sécurité. Mais Castiglione ne savéra
pas une zone sécuritaire, puisque située tout près
du front, dans une zone appelée Triangle de la mort
à cause des feux nourris entre les Alliés et les
Allemands, ainsi que les fascistes italiens.
Le P.Capelli y arrive le 19 septembre 1943, comme nouveau
professeur, ainsi quen fait foi le journal du scolasticat.
Selon ce quen rapportent les étudiants, il présente
sa matière de façon intéressante. Si un conflit
se présentait, il avait tendance à prendre
le parti des étudiants plutôt que celui du personnel.
En fait, il était très sympathique à nos
façons de voir, et très cordial. Il connaissait
certains problèmes avec ladministration. (Témoignage
du P. Remo Canal, 1987)
Il avait une grande dévotion à Marie et rêvait
de devenir missionnaire. Très doué intellectuellement,
il senthousiasmait pour le travail pastoral lorsquon
lui demandait daider les prêtres de la région.
Voilà quelques traits de sa personnalité.
Le 23 juin 1944, les allemands ordonnèrent lévacuation
du scolasticat de Castiglione afin dy installer un hôpital
militaire. En plus de toute lagitation, la présence
des troupes allemandes au scolasticat rendait la situation dangereuse.
Les prêtres furent envoyés dans différentes
paroisses. Le 6 juillet 1944, le reste de la communauté
fut envoyé à Burzanella, près de Castiglione.
Au matin du 18 juillet 1944, on entendit des coups de feu alors
quun groupe dAllemands fouillaient et brûlaient
des maisons des environs, à la recherche de rebelles. Ils
rassemblèrent cinq Italiens, soupçonnés de
rébellion Les pères Agostini et Capelli demandèrent
aux Allemands de relâcher ces hommes. Ils obtinrent gain
de cause pour trois dentre eux, alors que les deux autres
furent condamnés à mort. On sapprêtait
à les exécuter lorsque les gens intervinrent à
nouveau pour quils puissent se confesser. Les deux sagenouillèrent
sur place, devant tout le monde, pour se confesser, lun
au P. Capelli, lautre au curé. Puis, au milieu des
larmes des personnes présentes, ils sembrassèrent
et, une minute plus tard, tombèrent sous les balles tirées
derrière leur tête. (Missionario mancato
martire esaudito: P. Martino Capelli, scj, p. 69)
Le 20 juillet, le P. Capelli se rendit à Salvaro pour aider
Mgr Mellini, lancien curé. Il y rencontra un Salésien,
Don Elia Comini, avec qui il se lia dune amitié qui
dura jusquà la mort. Le P. Capelli accepta de prêcher
dans les paroisses des environs, un travail difficile et dangereux.
En septembre 1944, les Alliés réussirent à
franchir les lignes allemandes (la Ligne Gothique), à quelques
kilomètres de Monte Sole. La présence dune
force de 700 à 800 résistants dans la région
mettait en danger les opérations allemandes. Cest
pourquoi les Allemands ordonnèrent la destruction de la
brigade Étoile Rouge. Le 29 septembre, toute
la région fut encerclée par les troupes allemandes
régulières, accompagnées des SS et des collaborateurs
fascistes. Ils commencèrent à exécuter toute
la population, sans exception. On compta 770 victimes, dont 316
femmes et 216 enfants.
Ces événements marquèrent le début
du martyre du P. Capelli. A deux reprises, il refusa la demande
de ses confrères et de ses supérieurs de quitter
cette région dangereuse. Certains interprétèrent
son refus comme une désobéissance (quoique pour
de nobles raisons) due à son caractère difficile.
Dautres y virent le choix de rester fidèle à
sa mission et à la population de Salvaro.
Le 29 septembre 1944, alors quils allaient aider des blessés,
les PP. Capelli et Comini furent arrêtés par les
Allemands, sous motif despionnage. Les soldats leur firent
dabord transporter leurs munitions, montant et descendant
la montagne sous escorte. Ils furent ensuite emprisonnés
avec plusieurs autres résistants, dans une étable
appartenant à un cordier de Pioppe di Salvaro. Après
deux jours dun emprisonnement cruel, le dimanche 1er octobre
1944, les PP. Capelli et Comini, ainsi que 44 autres prisonniers,
furent conduits dans ce que lon pourrait appeler la
voûte de lusine, où ils furent fusillés
par les nazis SS. Quelques-uns purent simuler la mort sous les
dépouilles de leurs compagnons, et purent se sauver après
le départ des soldats allemands. Lun deux put
raconter le dernier geste du P. Martino: blessé à
mort, il leva son bras, dit quelques mots et prononça une
bénédiction, avant de tomber, les bras en croix.
Il était âgé de 32 ans. On a perdu toute trace
de lui et de ses compagnons lorsque les vannes dun barrage
furent ouvertes et que leau entraîna leurs corps dans
la rivière Reno.
Un jour, ô Mère, nous nous verrons, au moment
de mon martyre. (Consécration du P. Capelli à la
Vierge Immaculée)
Au cimetière de Salvaro, on trouve deux monuments à
la mémoire du témoignage de Don Elia et du P. Martino
comme pasteurs de Monte Sole:
"Il ny a pas de plus grand amour
que de donner sa vie.
Le Père Nicholas Martino Capelli en a témoigné
par la façon dont il a vécu
et par la grandeur de son martyre."(Source: Missionario mancata
martire esaudito P. Martino Capelli scj, Postulation
SCJ, Bologne 1996)
Un résistant méconnu
P. Kristiaan Hubertus Muermans
(1909 - 1945)
(Belgique)
Il soccupa activement des journaux de
la résistance, et aida plusieurs jeunes gens à entrer
dans la clandestinité pour échapper à la
Gestapo et aux camps de travail. Quand la Gestapo lapprit,
il fut arrêté devant les yeux de ses élèves!
Incarcéré à Bruxelles pendant plusieurs jours,
il fut ensuite envoyé dans différents camps de concentration:
Buchenwald, Ellrich, Harzungen et Dora, où il est mort
le 12 février 1945, quelques semaines seulement avant que
les Américains ne libèrent le camp. (Wim Muermans
sur son frère)
Répondant à un appel prenant racine dans lhumiliation
de sa patrie, il prit part à plusieurs groupes de résistance.
En mai 1944, il tomba aux mains de la Gestapo, qui lenlevèrent
pour toujours. (Sint Unum, 1947)
Né le 9 mars 1909, à Hees Bilzen, Belgique, Kristiaan
Muermans fit sa première profession en 1928 et fut ordonné
en 1933 à Louvain.. Lannée suivante, il enseigna
à notre école de Tervuren, où il resta plusieurs
années. Quand éclata la Seconde Guerre Mondiale,
il fut appelé sous les drapeaux.
Son frère, Wim Muermans, a écrit au P. Bothe que
lorsque le P. Kristiaan Muermans revint en Belgique, il commença
à jouer un rôle actif dans la résistance.
Nous savons maintenant que le P. Muermans est mort près
de Blankenburg, dans une des 40 sub-divisions du camp de concentration
de Mittlebau-Dora. De 1943 à 1945, Dora produisit des armes
pour larmée allemande: avions de guerre, armes anti-aériennes,
missiles V-1 et V-2. Hitler et le Haut-Commandement croyaient
encore que ces super-armes pouvaient leur procurer la victoire.
Cette usine souterraine consistait en un énorme tunnel
qui sétendait sur 20 km, ayant 30 m de hauteur. Environ
60 000 prisonniers des camps de Mittlebau-Dora y travaillaient
comme des esclaves. Quelque 20 000 dentre eux y perdirent
la vie, dont le P. Muermans. Les circonstances de sa mort restent
obscures.
Le P. Muermans ne nous a laissé aucun écrit. Cest
uniquement son engagement envers les jeunes, dans la résistance,
qui lui coûtèrent la vie, un témoignage quAndré
Jarlan, lui-même assassiné au Chili en 1984, décrit
ainsi:
Les véritables vivants sont ceux qui offrent leur
vie, non pas ceux qui prennent la vie des autres. Pour nous, la
Résurrection nest pas un mythe mais une réalité.
Cet événement que nous célébrons en
chaque Eucharistie nous confirme dans notre conviction que le
don de soi-même est admirable, et nous met au défi
de le vivre nous-mêmes!
(cf Martyrs du XXè Siècle, Riccardi, p. 23)
Victime de la lutte nazie
contre la vie religieuse :
P. Franz Loh, scj
(Allemagne)
Martin Bormann, un nazi célèbre,
écrit en 1930 : le national-socialisme et les concepts
chrétiens sont incompatibles. Toutes les structures qui,
d'une façon ou de lautre, peuvent influencer le peuple
et affaiblir ou porter atteinte au Führer et au Parti national-socialiste
doivent être éliminées. (The Century
of Martyrs, Riccardi, p. 79)
Bien que les nazis considéraient les communautés
religieuses comme de faibles entités (comparativement à
la hiérarchie), celles-ci s'avérèrent bientôt
plus inflexibles encore, ce qui attira lattention des national-socialistes.
En 1935, le gouvernement national-socialiste imposa des lois plus
strictes sur le taux de change, ce qui affecta les congrégations
religieuses. Le P. Franz Loh, supérieur provincial, comprit
immédiatement que lavenir de la Congrégation
en Allemagne était compromis. Comme il était impossible
de faire vivre la maison de Sittard par des moyens légaux,
il résolut denvoyer de largent secrètement.
De nombreux confrères apportèrent leur aide.
En 1935, après la nomination du P. Philippe comme évêque,
"il vint à Sittard pour ordonner prêtres les
diacres de la Province allemande. Le lendemain de lordination,
nous avons reçu des nouvelles très inquiétantes.
La police secrète (la Gestapo) avait tout découvert.
Un frère allemand les avait informés. "
Un procès eut lieu en 1936, à Krefeld. Quelques-uns
des confrères accusés étaient déjà
en prison, dautres, comme le P. Loh, étaient en fuite.
Le P. Loh, considéré comme la tête dirigeante,
fut condamné à quatre années de prison, aux
travaux forcés, à la perte de ses droits civiques
pendant quatre ans et une amende de 500 000 marks.
Le P. Loh passa les années suivantes au Luxembourg. Quand
la Seconde Guerre Mondiale éclata, il trouva refuge chez
des religieuses. Les allemands le découvrirent le 10 décembre
1940, après linvasion du Luxembourg. Ils larrêtèrent
immédiatement.
Il supporta très mal la prison. Cette vie très dure,
ajoutée à son diabète, le conduisit à
une mort rapide, quelques jours après que la communauté
eut appris où il se trouvait. Le P. Loh est mort le 20
mars 1941. On remit sa dépouille à la communauté.
Le P. Schunck, qui lui avait succédé comme provincial,
fit en sorte que, dans son cercueil, il soit revêtu des
ornements rouges. Il fut interdit de prononcer une homélie,
et deux membres de la Gestapo veillèrent à ce que
cela fût respecté. Peu avant sa mort, le P. Loh avait
confié à un confrère qu"il voulait
offrir sa mort solitaire pour les communautés de la congrégation."
(Bothe, Dehoniana 2000/3, p. 111).
Victimes de crime de guerre :
ONZE DEHONIENS HOLLANDAIS
(Indonésie)
La mort de 11 confrères hollandais au camp
de concentration japonais de Muntok sur l'île de Banka (Indonésie),
dans les années 1944/1945, fait partie d'une histoire très
complexe : s'y rattachent les crimes de guerre des Japonais contre
les populations civiles des villages occupés, l'écroulement
de la Hollande comme pouvoir colonial, la croissance du mouvement
d'indépendance indonésien, l'ensemble de la Seconde
Guerre Mondiale dans le Pacifique, sans parler de la vie et du
calvaire de chaque confrère individuellement. Finalement
tout un réseau de nombreux éléments différents,
mais dépendants les uns des autres, qui rendent très
difficile un jugement précis sur les témoignages
des confrères. C'est la raison pour laquelle un certain
silence a recouvert jusqu'à aujourd'hui ces événements.
Le 15 février 1942, les troupes japonaises conquièrent
et occupent Palembang sur l'île de Sumatra qui faisait partie
de l'empire colonial hollandais. Dans un premier temps, le travail
missionnaire n'est pas perturbé. Cette situation pourtant
change radicalement à partir du 1er avril 1942, date à
laquelle les européens (civils et religieux) sont internés,
les hommes dans la prison de Palembang, les femmes et les enfants
dans quelques résidences européennes. Plus tard,
les internés devront construire de leurs propres mains
deux camps de concentration : un pour les hommes et un pour les
femmes.
En juillet/août 43 les japonais opèrent de violents
ratissages à la recherche de prétendus collaborateurs
des alliés. Par la suite, les européens du camp
de concentration de Palembang - et, parmi eux, de nombreux religieux
- seront déportés vers le camp de Muntok, sur l'île
de Banka, dans une zone aride au climat très rude. Les
rations alimentaires vont de 100 à un maximum de 300 gr.
de riz. Ce traitement est pratique courante dans les camps japonais,
afin d'affaiblir et d'exterminer peu à peu les prisonniers.
Cette dénutrition produit la cessation des activités
comme l'école, l'asile, etc... Souvent les internés
sont tellement faibles qu'ils ne peuvent même pas participer
à l'enterrement des leurs. Dans le seul camp de Muntok
on évalue à environ 250 les hommes morts par dénutrition
sur un total de 942, et le nombre des femmes est pratiquement
le même. Quant aux enfants il y en eut vraisemblablement
davantage.
Pas étonnant que onze pères Hollandais n'aient pas
pu survivre à pareilles tortures.
CAMEROUN 1959
(3 français)
En de nombreux coins d'Afrique, les années
d'après guerre furent marquées par divers incidents
d'indépendance. Le Cameroun fut divisé en deux territoires
attribués à la France et au Royaume-Uni. Le mouvement
d'indépendance s'est encore renforcé dans les années
50, parfois accompagné d'actes de violence.
Le père Héberlé, missionnaire au Cameroun,
depuis plus de 25 ans, avait bien perçu cette situation
et il écrivait alors :
"Les Camerounais ont bien conscience de leurs intérêts
communautaires. Ils veulent parvenir à une véritable
émancipation
L'Église catholique s'est parfaitement
adaptée à ces nouvelles circonstances en remettant
les responsabilités primordiales aux mains du clergé
autochtone. Elle s'est entièrement détachée
de la politique occidentale et dénonce les conséquences
néfastes du laïcisme et du matérialisme occidental."
(Vie catholique du 28. 8. 1960).
Quand, en 1959, le père Héberlé se trouvait
en congé, en France, beaucoup insistaient pour qu'il ne
retourne plus au Cameroun. Dans une lettre, datée de septembre
59, il explique en ces termes les raisons de son retour dans un
Cameroun en situation de violence généralisée,
malgré tous les conseils à la prudence qui lui ont
été donnés :
"J'ai dû lutter contre moi-même, contre toutes
mes affections familiales, contre les miens et cela jusqu'à
mon départ. Dans de telles circonstances nous nous rendons
compte qu'il faut entièrement mourir à soi-même,
renoncer absolument à tout pour suivre Notre-Seigneur et
porter sa croix. Si je suis retourné dans ma mission, je
l'ai fait uniquement pour accomplir la volonté de Jésus-Christ,
pour être avec les âmes que Dieu m'a confiées
et dont je suis responsable devant Lui
C'est pour cela que,
dans la situation que nous sommes en train de vivre, il faut avoir
une foi inébranlable, une confiance absolue, une charité
sans tache. C'est le moment de l'épreuve, pour nous prêtres
et pour nous chrétiens. Dieu nous met à l'épreuve
à feu et à sang. Que soit faite sa volonté
! Ceci nous engage à nous consacrer totalement à
son service et à rejoindre, avec nos sacrifices, le sien
c'est-à-dire la Croix." (septembre 1959)
Le 30 août 1959, le père Müsslin est tué
dans sa mission. Le 29 novembre 1959, la mission de Banka-Bafang
est prise d'assaut. Dans un premier temps le père Héberlé
est frappé d'une balle, puis décapité. Le
frère Sarron, qui avait réussi à s'échapper,
est retrouvé peu après et, lui aussi, décapité.
Avec eux, dans cette même attaque, moururent un prêtre
et un catéchiste camerounais.
CONGO (ZAÏRE) 1964
(27 confrères belges, hollandais
ou luxembourgeois)
En 1960, le Congo Belge est devenu un état
indépendant. Quand, en 1961, le premier ministre Lumumba
fut assassiné, le pays fut parcouru par une rébellion
de radicaux et de lumumbistes guidés par Pierre Mulélé.
1964 fut l'année la plus dure de cette rébellion
et pour les Dehoniens l'année la plus terrible..
La ville de Wamba fut occupée par des "Simba",
en août 1964 et la terreur commença.
L'Évêque du lieu, Mgr Wittebols et d'autres missionnaires
dehoniens furent contraints de marcher pieds-nus et frappés
de toutes sortes de manières. Mgr Wittebols mourut à
cause des coups reçus et aussi par ce que, sans lunettes,
il tombait continuellement. Les prisonniers furent piétinés
de façon atroce dans la cour de la prison et fusillés
en présence de la population que l'on força à
mutiler leurs corps.
Notre congrégation compte 27 confrères tués,
lors de cette soi-disant révolution des "Simbas",
après de douloureuses détentions. En voici la liste
:
P. Henricus van der Vegt, P. Josephus Tegels, P. Franciscus ten
Bosch, P. Joannes de Vries, P. Henricus Hams, P. Petrus van der
Biggelaar, P. Joannes Slenter, P. Gerardus Nieuwkamp, Fr. Damianus
Brabers, Fr. Josephus Vanderbeek, Fr. Aloisius Paps, P. Carolus
Bellinckx, P. Leonardus Jansen, P. Cristianus Vandael, P. Clemens
Burnotte, P. Jacobus Moreau, Fr. Andreas Laureys, P. Hermanus
Bisschop, P. Josephus Conrad, P. Joannes Trausch, P. Amor Aubert,
P. Henricus Verberne, P. Arnoldus Schouenberg, Fr. Arnolfus Schouenberg,
P. Gulielmus Vranken, P. Hieronimus Vandemoere, Mgr Joseph Wittebols,
et le Serviteur de Dieu Bernard Longo.
Le
Serviteur de Dieu Bernard LONGO, scj, fut tué le 3 novembre
1964, à Mambassa. Peu avant sa mort, il avait écrit
dans son journal (retrouvé deux ans après sa mort),
ce vibrant témoignage :
"C'est une chance que le Sacré-Cur,
en ce temps, me donne beaucoup de paix intérieure et me
met au cur beaucoup d'oraisons jaculatoires, grâce
auxquelles je trouve la force d'aller de l'avant. Avant le soir,
je fais une promenade jusque chez les pauvres surs missionnaires.
Je leur assure que nous sommes protégés par la Vierge
et que nous devons nous confier complètement à la
belle volonté du Seigneur, même s'il voudra nous
porter au Ciel d'un coup de fusil". (Journal du P. LONGO,
du 29.09.1964)
«Par amour de l'Évangile, les missionnaires avaient
abandonné leur patrie pour se rendre en Afrique. Par amour
du Christ ils sont restés quand est survenue la tempête,
même si, au moins pour beaucoup, il aurait été
facile de s'enfuir. Parce que missionnaires, et donc, à
cause du Christ et de l'Église, ils ont été
persécutés et tués. C'est à ce titre
qu'on peut les vénérer comme des "martyrs"».
(Tessarolo, "Bernardo LONGO, Missionnaire et martyr de la
charité", p.232)