Le Frère LAMBERT Paul (Joseph)
(1887-1915)

Né le 31.01.1887 à Pagny sur Moselle (54)
Profès le 22.09.1906 à Sittard
Décès le 25.09.1915 à St-Jean sur Tourbe (Marne)

Le 25 septembre 1915, en Champagne, nous perdîmes deux autres confrères, scolastiques de Louvain, tous deux sous-officiers, tous deux anciens élèves de S. Clément.
F. Lambert, du diocèse de Nancy, était à peu près du même âge que son émule le F. Rattaire. Nous eûmes d'abord peu de détails sur son existence depuis août 1914. Un de nos confrères belges trouva son nom et son adresse sur le registre des visiteurs du Mont des Cats, célèbre monastère de trappistes, alors intact, presque anéanti depuis les batailles autour du mont Kemmel, en 1918.
Il était sergent au 69° R. I. Il faisait donc partie de la division de fer, de Nancy, dont les exploits, aussi nombreux que célèbres, se comptent par les jours et les victoires de la campagne, et lui ont valu la distinction suprême, la fourragère aux couleurs de la Légion d'Honneur (1). Avec la division de fer, il avait défendu le Grand Couronné de Nancy, vécu cette lutte épique de l'Yser, où s'illustrèrent également les fusiliers marins. Une annonce parue dans la Croix nous mit en relation avec lui, mais, hélas! c'était quand ses jours étaient déjà comptés. Le 25 septembre, il scellait de son sang la victoire de Champagne. Sa mort fut aussi obscure que ses campagnes. Enfin, après bien des mois de recherches, nous reçûmes la lettre suivante de son aumônier :

« Mon Révérend Père, j'ai, ce me semble, déjà écrit à quelqu'un au sujet du Fr. Lambert. Si mes souvenirs sont fidèles, ce devait être au curé d'une paroisse de Nancy. Dans cette lettre, j'ai dit quelle édification cet excellent sous-officier avait produite parmi nous et j'ai dû faire son éloge.
Je me rappelle que ses hommes l'aimaient bien et que, sous la mitraille, ils prenaient modèle sur lui, répondant volontiers au chapelet qu'il se plaisait à dire lorsque le danger devenait pressant.
C'était un modeste, en même temps qu'une âme très délicate, une âme d'artiste.
II s'effaçait, ne cherchait pas à se produire, et cependant se montrait fort serviable pour agrémenter nos cérémonies religieuses par son talent d'organiste qui était très remarquable. Je l'ai vu s'approcher de la Sainte Table toutes les fois qu'il le put, en marche, au cantonnement, en secteur. I1 était fidèle à nos exercices du soir, puisqu'il y tenait l'orgue.
La nuit qui précéda sa mort, il se montra particulièrement énervé. Un rien l'excitait. Tout obus qui passait lui faisait une peur inaccoutumée et son âme était triste. Il confiait à ses voisins que rien ne marcherait et qu'il n'en reviendrait pas. Et comme si les événements se conformaient d'eux-mêmes à ses pressentiments, il fut tué avant l'attaque, dans le boyau où sa section attendait l'heure de l'assaut. Il s'était mis à genoux les mains en avant et le corps penché pour éviter l'obus qui le frappa. Il avait communié la veille, pendant la messe que j'avais dite, le 24 septembre au matin, dans un petit bois, près de S. Jean sur Tourbe. J'ai perdu en lui un excellent ami, très édifiant, observateur exact de sa règle religieuse, fidèle à la prière, en un mot un confrère dont les rapports m'étaient des plus agréables.
Il était homme de devoir. C'est le plus grand éloge que j'en puisse faire. I1 faisait son métier de soldat et de religieux avec modestie, sans ostentation et sans bruit. Ainsi en fut-il de beaucoup de nos hommes qui ont donné, sans prononcer de mots historiques, leur sang pour la patrie et à qui la France devra de conserver son sol et d'avoir été victorieuse et illustre. Ces poilus sont des héros qui ne font pas de bruit, mais qu'il faut aimer et admirer. Lambert était de ceux-là! »
Comme le F. Rattaire, F. Lambert était un de nos meilleurs sujets. Comme lui, il avait professé à St Clément de nombreuses années, sacrifiant son avancement dans les études sacrées et les saints Ordres au plaisir de communiquer ce qu'il savait et de se dévouer à son tour, «sine invidia communico». Il était à la fois grammairien émérite et compositeur de talent. Il n'était pas, lui non plus, de ceux dont l'Ecriture dit qu'ils sont comme s'ils n'existaient pas. Sa perte, au contraire, cette double perte de F. Rattaire et de F. Lambert, sera vivement et longtemps ressentie parmi nous, surtout à S. Clément.
(1) Il n'est peut-être pas indifférent de rappeler que le 153è R. 1., le régiment de F. Rattaire, faisait également partie du beau 20e corps de Nancy !
(EXTRAIT DE «QUELQUES PRETRES DU SACRE-COEUR
DE St-QUENTIN, MORTS AU CHAMP D’HONNEUR.
(1914-1918) »)


AVANT-PROPOS, EXERGUE - CAUSES INTRODUITES