(Son frère,
prêtre, Bernard GRASSER avait rassemblé tous les amis
de la famille pour une célébration eucharistique)
A lheure de la mise en terre du Père Robert GRASSER
à Bafoussam (Cameroun) chacun veut porter le cercueil, encore
le toucher, car, en Afrique la mort nexiste pas et ce mort
restera chez les vivants. A la dernière allocution, on lui
dira : «Que la terre de nos ancêtres te soit douce et
que tu vives parmi nous».
Le Père Robert connaissait bien les coutumes locales et c'était
toujours lui qui avait dit 15 jours auparavant à son Evêque
Mgr. André Wouking "Vous verrez que je laisserai mon
vieux crâne dans la terre de ce pays." Vous allez me
dire : pourquoi insister tant sur ce fait. C'est bien à cause
de toute une symbolique.
Dans la coutume ancestrale des Bamiléké, "le
crâne" était l'indice qu'une filiation existait,
c'est pour cela qu'à la chefferie les tombeaux sont gardés
pour que les enfants du chef ne s'emparent pas du crâne d'un
ancêtre et s'en aillent au loin dire à une population
: «Je suis le fils du chef.»
-«Donne-nous une preuve » dira la population. -«J'ai
le crâne de mon ancêtre.»
Cet enfant n'est donc pas un "bâtard" mais a des
racines et peut se mettre à la tête d'hommes et de
femmes pour vivre un destin.
Pour un chrétien, un prêtre et un prêtre du Sacré-Coeur
comme l'était le Père Robert GRASSER, mettre son crâne
dans la terre de Bafoussam, c'est affirmer et confirmer les chrétiens
dans la foi et dans la parole de Dieu, qu'il est venu apporter "Il
n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on
aime."
Le Père GRASSER était une figure. C'est à l'aumônerie
militaire qu'il a forgé pendant des années une vie
de relations d'homme à homme, une vie de relations fraternelles
et une vie de relations chrétiennes.
Vous, ses amis ici présents, vous seuls savez combien le
Père Robert attachait du prix et du poids à des amitiés
sincères, cordiales. Son petit humour, son passé d'alsacien
et pas de n'importe quelle Alsace, de celle du haut à l'ombre
des clochers, des châteaux forts et des pentes où se
balançaient les rangées de vigne, ses racines qu'il
aimait à rappeler, mettaient le contact à de nouvelles
rencontres. Vous en êtes et vous êtes venus témoigner
de cela Aujourd'hui, dans les temps qui sont les nôtres, il
faut saluer cette fidélité et reconnaître en
lui l'homme de la présence et de la permanence de ces valeurs.
Le Père Robert aimait parler de son expérience du
désert de "Colomb-Béchar, ah! les amis de "Colomb-Béchar",
les amis de Berlin, de Strasbourg. Là, pour nous ses confrères
au Cameroun, nous sommes maintenant dans la capacité décrire
quelques dizaines de pages sur cette tranche de sa vie.
Vous, ses amis ici présents et qui avez fait l'expérience
de ce temps-là, gardez le souci de conserver ces souvenirs,
pour le Père Robert. Il me disait qu'à cette époque
il avait approfondi sa foi en Dieu, qu'il avait mieux réalisé
devant les immensités et les beautés du désert
combien l'homme est petit et combien il est doux de prier et de
faire l'expérience de la créature à son créateur.
Ses yeux à lui, les diapositives pour nous, relatent ce moment
important ainsi que cette passion qu'il aimait partager, et qui
suscita chez certains des perspectives de vocation.
Le Père Robert à l'heure de la "retraite militaire"
prendra un temps de recherche, il goûtera successivement à
des "solitudes" dans le Var. I1 assurera l'aumônerie
des Petites Soeurs de Bethléem en Savoie, aux Voirons en
Haute-Savoie, puis à la Visitation de Vaugneray dans le Rhône.
A cette époque il aura une vocation dans la vocation : venir
au Cameroun et être missionnaire.
Pour le taquiner, quand il était chez les Clarisses de Toumi
en 1981, les confrères 1'appelaient "le jeune missionnaire",
par rapport bien sûr à ceux de son âge qui avaient
"crapahuté par monts et par vaux."
C'est en 1987 que nos deux routes se sont croisées, pour
faire communauté à Bafoussam au Mont St Jean, lui
comme économe et moi comme responsable. Le projet de la communauté
était d'être présents aux hommes sous une forme
de vie religieuse, de présence aux groupes et d'animation.
Nous essayions de vivre ce que notre Fondateur aimait :
-la proximité des "petits":
-les prisonniers et la dure réalité des prisons.
-L'hôpital et la carence de matériel
-L'accueil des jeunes mineurs prisonniers.
-Les petits métiers: (pousseurs en ville, réparateurs
de chaussures, ou simplement porteurs de carton à la sortie
des marchés). Nous étions toujours entre 7 et 8 en
communauté. Le Père Robert a déployé
ses dons de gestionnaire, d'organisateur et d'écoute. Sa
jambe demeurait plus lourde mais son coeur ne cessait d'être
jeune et accueillant: que de confidences, de confessions.
Le soir longtemps, (souvent 3/4 d'heure), il faisait son adoration
et portait ces souffrances, ces misères et ces injustices
devant notre Seigneur. Un homme exemplaire, traversé par
l'Evangile. Il se ressourçait quotidiennement dans la prière,
la contemplation et puisait la miséricorde dans le coeur
de Jésus. Par ses méditations à la radio-Bafoussam
(sa lettre aux amis), il transpirait Jésus quil a servi
jusqu'au bout et dans la joie d'une belle vieillesse.
Personnellement je garde ceci : il aimait parler de son passé,
de ses racines, mais n'admettait pas qu'on noircisse l'avenir.
Il avait foi en l'avenir, en ces jeunes du projet "jeunes en
difficultés" dont le Père Bernard Groux est l'animateur
et que la lettre de Noël et Pâques vous décrivait.
Il aimait profondément les camerounais et choyait ceux qui,
un jour, prendront la relève dans la Congrégation
ou dans le diocèse.
Vous et moi gardons en ce jour des mots, des attitudes, des paroles
du Père Robert, pour vivre et construire la vie à
laquelle nous sommes appelés.
Père Robert, la Gloire de Dieu vous habite désormais,
Bonheur et Joie vous illuminent.
Suscitez dans nos coeurs, la paix et la jeunesse de lEvangile.
Père CONRATH André scj
AVANT-PROPOS,
EXERGUE - CAUSES
INTRODUITES
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