Le Père GRASSER Robert (Morand)
(1919 - 1991)

Né le 29.10.1919 à Colmar (H.R.)
Profès le 29.09.1936 à Amiens
Perpétuelle le 29.09.1942 à St-Cirgues
Prêtre le 18.06.1944 à St-Flour (15)
Décès le 18.12.1991 à Bafoussam (Cam)
Miss. au Cameroun (1981 - 1991)

(Son frère, prêtre, Bernard GRASSER avait rassemblé tous les amis de la famille pour une célébration eucharistique)
A l’heure de la mise en terre du Père Robert GRASSER à Bafoussam (Cameroun) chacun veut porter le cercueil, encore le toucher, car, en Afrique la mort n’existe pas et ce mort restera chez les vivants. A la dernière allocution, on lui dira : «Que la terre de nos ancêtres te soit douce et que tu vives parmi nous».
Le Père Robert connaissait bien les coutumes locales et c'était toujours lui qui avait dit 15 jours auparavant à son Evêque Mgr. André Wouking "Vous verrez que je laisserai mon vieux crâne dans la terre de ce pays." Vous allez me dire : pourquoi insister tant sur ce fait. C'est bien à cause de toute une symbolique.
Dans la coutume ancestrale des Bamiléké, "le crâne" était l'indice qu'une filiation existait, c'est pour cela qu'à la chefferie les tombeaux sont gardés pour que les enfants du chef ne s'emparent pas du crâne d'un ancêtre et s'en aillent au loin dire à une population : «Je suis le fils du chef.»
-«Donne-nous une preuve » dira la population. -«J'ai le crâne de mon ancêtre.»
Cet enfant n'est donc pas un "bâtard" mais a des racines et peut se mettre à la tête d'hommes et de femmes pour vivre un destin.
Pour un chrétien, un prêtre et un prêtre du Sacré-Coeur comme l'était le Père Robert GRASSER, mettre son crâne dans la terre de Bafoussam, c'est affirmer et confirmer les chrétiens dans la foi et dans la parole de Dieu, qu'il est venu apporter "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime."
Le Père GRASSER était une figure. C'est à l'aumônerie militaire qu'il a forgé pendant des années une vie de relations d'homme à homme, une vie de relations fraternelles et une vie de relations chrétiennes.
Vous, ses amis ici présents, vous seuls savez combien le Père Robert attachait du prix et du poids à des amitiés sincères, cordiales. Son petit humour, son passé d'alsacien et pas de n'importe quelle Alsace, de celle du haut à l'ombre des clochers, des châteaux forts et des pentes où se balançaient les rangées de vigne, ses racines qu'il aimait à rappeler, mettaient le contact à de nouvelles rencontres. Vous en êtes et vous êtes venus témoigner de cela Aujourd'hui, dans les temps qui sont les nôtres, il faut saluer cette fidélité et reconnaître en lui l'homme de la présence et de la permanence de ces valeurs.
Le Père Robert aimait parler de son expérience du désert de "Colomb-Béchar, ah! les amis de "Colomb-Béchar", les amis de Berlin, de Strasbourg. Là, pour nous ses confrères au Cameroun, nous sommes maintenant dans la capacité d’écrire quelques dizaines de pages sur cette tranche de sa vie.
Vous, ses amis ici présents et qui avez fait l'expérience de ce temps-là, gardez le souci de conserver ces souvenirs, pour le Père Robert. Il me disait qu'à cette époque il avait approfondi sa foi en Dieu, qu'il avait mieux réalisé devant les immensités et les beautés du désert combien l'homme est petit et combien il est doux de prier et de faire l'expérience de la créature à son créateur. Ses yeux à lui, les diapositives pour nous, relatent ce moment important ainsi que cette passion qu'il aimait partager, et qui suscita chez certains des perspectives de vocation.
Le Père Robert à l'heure de la "retraite militaire" prendra un temps de recherche, il goûtera successivement à des "solitudes" dans le Var. I1 assurera l'aumônerie des Petites Soeurs de Bethléem en Savoie, aux Voirons en Haute-Savoie, puis à la Visitation de Vaugneray dans le Rhône.
A cette époque il aura une vocation dans la vocation : venir au Cameroun et être missionnaire.
Pour le taquiner, quand il était chez les Clarisses de Toumi en 1981, les confrères 1'appelaient "le jeune missionnaire", par rapport bien sûr à ceux de son âge qui avaient "crapahuté par monts et par vaux."
C'est en 1987 que nos deux routes se sont croisées, pour faire communauté à Bafoussam au Mont St Jean, lui comme économe et moi comme responsable. Le projet de la communauté était d'être présents aux hommes sous une forme de vie religieuse, de présence aux groupes et d'animation.
Nous essayions de vivre ce que notre Fondateur aimait :
-la proximité des "petits":
-les prisonniers et la dure réalité des prisons.
-L'hôpital et la carence de matériel
-L'accueil des jeunes mineurs prisonniers.
-Les petits métiers: (pousseurs en ville, réparateurs de chaussures, ou simplement porteurs de carton à la sortie des marchés). Nous étions toujours entre 7 et 8 en communauté. Le Père Robert a déployé ses dons de gestionnaire, d'organisateur et d'écoute. Sa jambe demeurait plus lourde mais son coeur ne cessait d'être jeune et accueillant: que de confidences, de confessions.
Le soir longtemps, (souvent 3/4 d'heure), il faisait son adoration et portait ces souffrances, ces misères et ces injustices devant notre Seigneur. Un homme exemplaire, traversé par l'Evangile. Il se ressourçait quotidiennement dans la prière, la contemplation et puisait la miséricorde dans le coeur de Jésus. Par ses méditations à la radio-Bafoussam (sa lettre aux amis), il transpirait Jésus qu’il a servi jusqu'au bout et dans la joie d'une belle vieillesse.
Personnellement je garde ceci : il aimait parler de son passé, de ses racines, mais n'admettait pas qu'on noircisse l'avenir.
Il avait foi en l'avenir, en ces jeunes du projet "jeunes en difficultés" dont le Père Bernard Groux est l'animateur et que la lettre de Noël et Pâques vous décrivait.
Il aimait profondément les camerounais et choyait ceux qui, un jour, prendront la relève dans la Congrégation ou dans le diocèse.
Vous et moi gardons en ce jour des mots, des attitudes, des paroles du Père Robert, pour vivre et construire la vie à laquelle nous sommes appelés.
Père Robert, la Gloire de Dieu vous habite désormais, Bonheur et Joie vous illuminent.
Suscitez dans nos coeurs, la paix et la jeunesse de l’Evangile.
Père CONRATH André scj


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