Dimanche, 4 septembre 2016, les novices Pierre et Antoine ont prononcé leurs premiers vœux lors d’une célébration eucharistique festive dans la chapelle de Clairefontaine.
Après les lectures du 23e dimanche du temps ordinaires, le Père André Conrath SCJ, maître des novices, a appelé les jeunes qui se sont avancés près de l’autel et ont prononcé leur « Me voici ! ».
Dans son homélie, le Père Jean-Jacques Flammang SCJ, supérieur provincial, a rappelé que Pierre et Antoine sont venus du Vietnam, avec leur foi, leur culture, leurs diplômes universitaires, pour apprendre notre langue et notre culture et pour partager leur foi avec nous. Ils se sont bien préparés au noviciat où ils ont appris la spécificité du charisme dehonien. Comme le mot l’indique, un religieux dehonien se réfère à l’expérience de foi du Père Dehon, fondateur de la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus. Riche et intelligent, Léon Dehon a voulu suivre le Christ et est devenu après des études de droit à Paris, séminariste à Rome. Après son ordination sacerdotale, il revient dans son diocèse d’origine, Soissons, où l’évêque nomme cet intellectuel bien formé vicaire à Saint-Quentin. Là le jeune prêtre fut confronté avec la misère et il s’est mis à analyser et à œuvrer. C’est le refus de l’amour du Christ qui est la cause principale de la misère humaine. Aussi l’abbé Dehon sort des sacristies pour rencontrer les enfants de la rue, les jeunes exploités dans les industries, les ouvriers et les partons, aussi le clergé souvent mal formé. Il fonde des cercles d’études, des lieux de rencontre, un journal, une école primaire et secondaire et finalement une congrégation religieuse, pour que le Règne du Sacré-Cœur puisse se développer dans les âmes et dans les sociétés.
Un religieux dehonien s’engage donc auprès de pauvres et œuvre pour plus de justice et de solidarité, à l’exemple du Fondateur. Uni au Christ comme lui, il garde le contact avec la Parole de Dieu, la lit, la médite, essaye de la mettre en pratique, en suivant les trois conseils évangéliques que sont la chasteté, la pauvreté et l’obéissance.
L’homélie du Père Jean-Jacques Flammang SCJ, supérieur provincial de la Province EUF de la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur.
Cher Pierre, cher Antoine,
L’Evangile que nous venons d’entendre est l’évangile du 24e dimanche du temps ordinaire, mais il convient très bien pour votre première profession. Car Jésus nous parle des conditions pour le suivre, alors que vous avez justement décidé de prononcer aujourd’hui – devant le Seigneur et devant nous tous ici rassemblés – les vœux de vie religieuse dans la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus.
Suivre Jésus, chose belle et grande, mais aussi chose exigeante, voire difficile à première vue. Jésus ne dit-il pas qu’il faut le préférer à tout ce qui est nôtre, notre famille, même notre vie ; il faut être prêt à porter comme lui la croix ; il faut renoncer à tout ce qui nous appartient pour le mettre au service de cette grande aventure d’être disciple de Jésus, le suivre et faire sa vie avec lui. Plus tard ces trois conditions évoquées ici deviendront les trois vœux religieux de célibat, de pauvreté et d’obéissance. Et vous dites OUI aujourd’hui à cet appel, après une longue préparation.
Vous venez d’un beau pays d’Asie : le Vietnam. Nous en avons une représentation suggestive sur nos feuilles de chants, un grand pays avec quelque 90 millions d’habitants, avec une riche tradition chrétienne, à peu près 8 pour cent de la population sont catholiques. Mais l’un de vos confrères m’avait tout de suite rassuré : au Vietnam, ce n’est pas comme ici où on a 80 pour cent de chrétiens et des églises quasi vides ; non au Vietnam, si on est chrétien, on l’est vraiment, on met en pratique sa foi et c’est pourquoi les 8 pourcent c’est un véritable ferment dans la société vietnamienne ; j’ai pu me faire une idée de la dynamique de la vie ecclésiale au Vietnam lors de mon passage là-bas, il y a trois ans.
Vous venez donc du Vietnam, le pays avec la population la plus optimiste du monde, selon les dernières enquêtes de l’UNO, et vous venez comme catholiques. Vous avez déjà rencontré le Christ et son Evangile là-bas, dans vos familles – et nous pensons aujourd’hui à vos parents, frères et sœurs et tous les vôtres qui ne peuvent être ici aujourd’hui, mais qui sont certainement en pensée avec nous. La foi catholique, vous l’avez aussi rencontrée dans vos paroisses, dans le foyer pour étudiants du Père Vincent. Vous venez donc ici, avec votre bagage religieux et culturel, aussi avec vos diplômes universitaires en mathématiques, en technologie… Vous auriez pu faire votre vie là-bas, mais voilà, vous venez ici chez nous, apprendre notre langue, notre culture, notre théologie… Vous venez vivre avec nous, votre et notre foi ; bel échange, beau partage, dans le sens de ce que Jésus a voulu : allez dans le monde entier proclamer la Bonne nouvelle.
Parmi les mots qui vous sont importants et que vous avez inscrits dans la silhouette du Vietnam sur les feuilles de chants, il y a au milieu, en grandes lettres, le mot Sacré-Cœur : ce n’est pas étonnant, car si vous voulez suivre le Christ, vous vous êtes décidés aussi de le suivre dans la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur. Ce que cela veut dire, vous l’avez pu apprendre avec votre maître des novices, le Père André. Ensemble vous avez vu ce qui est indispensable pour être de bons religieux dehoniens, « des prophètes de l’amour et des serviteurs de la réconciliation des hommes et du monde dans le Christ » comme le dit notre Règle de Vie.
Les mots inscrits dans la région de Dak Lak – au Sud, le lieu de naissance de Pierre – sont les mots Côté ouvert, joie, artisant, dignité, réparation – eh bien Pierre, regarde souvent ce côté ouvert du Christ, continue dans la joie à exercer tes facultés au service des personnes que tu rencontres, et tu contribue à réparer, à rendre plus belle la dignité de chaque être humain.
Plus au Sud autour de Kieng Giang, ville natale d’Antoine, nous rencontrons les mots Paix, persécutions, Service, Croix, Art de vivre. Eh bien Antoine, développe cet art de vivre spécifiquement dehonien, regarde la Croix du Christ où il nous a ouvert son Cœur, pour rendre services, pour t’opposer à toute persécution et pour œuvrer pour la paix, autour de toi et dans le monde.
Vous voyez, tous les mots inscrits réfèrent au charisme dehonien pour réaliser la devise que le Père Dehon avait choisie pour sa Congrégation : Adveniat Regnum tuum, Que ton règne vienne ! Le Règne du Sacré-Cœur dans les âmes et dans les sociétés.
Alors qu’est ce qui caractérise plus particulièrement un religieux dehonien ?
Comme le nom l’indique, c’est un religieux de la congrégation, fondée par le Père Dehon, au 19e siècle. Le Père Dehon avait fait une expérience de foi exceptionnelle de l’amour et de la miséricorde de Dieu.
Lui, de famille riche, fort intelligent, il pouvait faire des études de droit à Paris, des études de philosophie et de théologie à Rome. Et il a entendu l’appel du Christ à le suivre. Comme jeune prêtre, son évêque le nomme vicaire à Saint-Quentin et le met ainsi en contact avec les pauvres de son temps : les ouvriers exploités par les industriels et les financiers, des patrons peu chrétiens et peu scrupuleux. Le jeune prêtre Dehon voit toute la misère. En tant qu’intellectuel, il analyse : la misère provient du refus de Dieu ; en tant que pasteur, il agit. Il aurait pu rester dans sa sacristie ou son bureau, et s’occuper de la pastorale normale, mais non, il sort de l’enceinte de l’Eglise pour s’occuper des enfants de la rue, des jeunes exploités dans les industries textiles, des ouvriers et des patrons pour qui Dieu et les valeurs évangéliques ne comptaient plus grand chose : il fonde des lieux de rencontre, des cercles d’études, même journal, aussi un oratoire pour le clergé, des sessions de formation en doctrine sociale, et finalement une école primaire et secondaire pour les enfants de Saint-Quentin. Tout ce qu’il fait, il le fait pour que les gens puissent trouver ou retrouver la dignité de leur baptême et vivre une vie bonne, réussie.
Etre religieux dehonien, c’est avoir comme le Fondateur le souci des pauvres, de ceux que l’on exploite, se mettre au service de ceux qui sont dans le besoin, et aider à créer ou à soutenir des structures économiques, sociales et culturelles justes et adaptées au bien de tous, selon l’Evangile du Christ et la doctrine sociale de l’Eglise. Si nous regardons notre monde actuel, nous voyons vite que le travail ne manque pas !
Pierre et Antoine, vous avez appris à connaître l’expérience de foi du Père Dehon, vous avez pu réfléchir votre propre foi et la mettre en contact avec la Parole de Dieu, vous avez pu vivre dans une communauté religieuse, avec des confrères engagés ici dans le Centre d’accueil, ou dans les paroisses, dans la société… Vous avez pu prendre contact avec nos autres communautés de la Province, aussi avec les jeunes d’aujourd’hui, lors des Journées mondiales de la Jeunesse à Cracovie et d’autres rencontres, vous avez aussi pu remarquer la misère et la pauvreté dans nos sociétés prétendues riches…
Tout cela fait parti du noviciat qui introduit dans la vie religieuse. Et tout cela ne vous a pas éloigné de votre projet de suivre le Christ. Au contraire, votre décision a pu mûrir, devenir plus ferme au contact de cette réalité, vue et analysée avec les yeux du Christ.
C’est là un autre point important pour le religieux dehonien : le contact avec la Parole de Dieu. Tous les jours vous avez lu avec votre maître des novices la bible.
Pourquoi la Parole de Dieu est-elle si importante pour la vie religieuse ? Parce que c’est là que nous gardons le contact avec Dieu, c’est là que nous vérifions le bien-fondé de notre foi et les multiples dimensions qu’elle ouvre. C’est au contact de la parole de Dieu que nous pouvons corriger nos erreurs.
Regardons la première lecture d’aujourd’hui : elle est tirée du livre de la Sagesse, et elle nous montre justement l’importance de la parole de Dieu, de ce que Dieu lui-même, son Esprit nous communique.
Pour bien vivre notre vie humaine, il faut avoir l’humilité de se laisser instruire par l’Esprit de Dieu. Trop souvent, nous croyons de nos jours que nous n’aurions pas ou plus besoin de Dieu, nous le chassons de nos écoles, de nos sociétés, et nous nous croyons libres et autonomes. Mais c’est le contraire : sans Dieu, il nous manque quelque chose d’essentiel pour bien vivre notre vie privée et bien gérer la vie en société.
Plus que jamais, il importe que Dieu ait sa place dans nos âmes, et dans nos sociétés.
Car loin d’être inutile, la foi catholique rend de grands services à l’humanité. Aujourd’hui, le pape François a canonisé Mère Therèse de Calcutta. Inspirée de sa foi, elle a changé le regard de tout un pays, voire du monde entier sur la dignité humaine. Regardons ce que nous raconte saint Paul dans sa lettre à Philémon dont nous venons d’entendre un extrait. Par le baptême et par la foi chrétienne, l’esclave devient le frère bien-aimé. C’est là l’évolution qui puisse faire avancer l’humanité, la conversion à l’amour, à la miséricorde et à la tendresse de Dieu.
Peut-être qu’il y a parmi nous aujourd’hui des jeunes ou moins jeunes qui ont déjà entendu l’appel du Christ sans avoir pu lui donner une suite plus précise. Je ne dis pas comme le cardinal Marty : « nous embauchons ! » Mais je dis quand-même que nous voulons bien partager notre vie de foi, notre vie religieuse avec vous. N’hésitez pas ! Il faut parfois un indice extérieur. Et peut-être la profession de Pierre et d’Antoine est cet indice pour prendre contact avec une communauté religieuse pour mieux connaître cette vie et peut-être pour la suivre. Vous êtes les bienvenus.
Pierre et Antoine, vous avez trouvé ce chemin, et vous faites aujourd’hui la profession des trois vœux de religion : le célibat dans la chasteté pour le Royaume de Dieu : l’évangile d’aujourd’hui dit : préférer Jésus à tout ; la pauvreté : l’évangile dit : vous ne pouvez pas être mes disciples si vous ne renoncez pas à tout ce qui vous appartient ; et l’obéissance : être attentif à la réalité, l’Evangile donne en exemple celui qui veut bâtir une tour, tenir donc compte de la réalité, la connaître, et porter ainsi sa croix à la suite de Jésus.
Notre Règle de vie signale que ces trois vœux, à première vue loin du monde, sont en fait loin de nous rendre étrangers aux hommes.
La profession des vœux qui sont des conseils de l’Evangile, nous rend, au contraire, plus solidaires avec les hommes. Et c’est ce que je vous souhaite de découvrir de plus en plus. Loin de nous éloigner du monde, de la réalité, de la vérité, de la liberté, du bonheur… le Christ et son Evangile nous aident plutôt à les trouver et à en vivre pleinement.
Que son Règne arrive dans nos âmes et dans les sociétés. Amen.