Autour de culpabilité – expiation – réparation – pardon
Voulons-nous vraiment être libres ? N’avons-nous pas inventé Dieu pour ne pas avoir à être libres ? Devant Dieu, nous sommes tous coupables. Or la culpabilité détruit la liberté. Aujourd’hui, nos politiciens rendent l’endettement élevé responsable de leur liberté d’action extrêmement réduite. Lorsque nous n’avons pas de dettes, en d’autres termes, lorsque nous sommes entièrement libres, nous devons agir pour de bon. Peut-être nous endettons-nous en permanence pour ne pas avoir besoin d’agir, autrement dit pour ne pas avoir à être libres, à être responsables. De fortes dettes ne sont-elles pas la preuve que nous ne sommes pas encore en état d’être libres ? Le capital n’est-il pas un nouveau dieu, qui refait de nous des endettés, des coupables ? Walter Benjamin considère le capitalisme comme une religion. Selon lui, c’est « le premier exemple d’un culte qui n’est pas expiatoire, mais culpabilisant ». Puisqu’il n’existe aucune possibilité de se désendetter/ déculpabiliser, l’état de servitude se perpétue : « Une conscience monstrueusement coupable qui ne sait pas expier, s’empare du culte, non pour y expier cette culpabilité, mais pour la rendre universelle. »
Byung-Chul Han : Psychopolitique. Le néolibéralisme et les nouvelles techniques du pouvoir. Strasbourg, Circé, 2016, p. 17.