Nouveau livre de Paul Clavier

La création ex nihilo et notre système financier
Un peu partout des critiques se lèvent contre notre système financier tel qu’il s’est développé avec ces dettes qu’il provoque et qui s’accumulent dans l’inimaginable, et ces profits exorbitants qu’il engendre pour une petite minorité privilégiée.
Ne faut-il pas un changement radical pour arrêter cette domination des finances sur notre économie et notre développement sociopolitique? C’est ce que se demandent pas mal d’économistes, Prix Nobel ou autres, et la pile de livres à ce sujet ne cesse de s’accroître de jour en jour.
Parmi toutes ces publications, plus ou moins accessibles au grand public, le récent livre de Paul Clavier occupe une place exceptionnelle.[1]
Les brèves conversations que mènent pendant leur pause-café Preta Tozzero, la jeune stagiaire en milieu banquier, et Yvan Desprez, son maître de stage, auraient pu s’intituler « Dialogues sur l’argent sans intérêt ». Mais la question s’est posée où placer la virgule, après dialogues ou après argent. L’autre proposition « La métaphysique du fric » aurait été à la mode, mais elle a cédé finalement la place à La Fontaine pour donner le titre : « La fourmi n’est pas prêteuse » avec en sous-titre : « Conversations impertinentes sur l’argent ».
Impertinentes ? Certes, mais aussi fort pertinentes, car ces conservations conduisent le lecteur au fond des problèmes de la gestion financière actuelle. L’avantage du livre, c’est qu’il informe objectivement sur la situation, la forme du dialogue se prêtant bien pour présenter les arguments des uns et des autres, de ceux qui défendent le système actuel, les banques privées et leur droit de créer de la monnaie en prêtant avec intérêt cet argent qui à vrai dire ne leur appartient pas, et de ceux qui voient dans cette façon de faire un moyen malhonnête de s’enrichir avec le travail des autres en leur volant des sommes importantes par ces crédits accordés aux taux d’intérêt moralement et économiquement injustifiés.
Le dialogue s’entame. Notre système financier est-il la source de notre bien-être et de notre richesse, du développement économique et social de nos sociétés néo-capitalistes, ou bien au contraire est-ce plutôt ce système qui conduisant à un surendettement généralise la pauvreté et des individus et des Etats qui s’y laissent prendre ?
Paul Clavier, philosophe et enseignant à l’Ecole normale supérieure, à Paris Sciences et Lettres et à Sciences-Po Paris, a un talent pédagogique manifeste. Dans son texte bref écrit dans un style alerte, il informe sur l’histoire de la pratique bancaire des prêts à intérêt ; il aborde le thème classique de la finance juive et de l’antisémitisme ; il analyse et commente le sens des condamnations de l’usure par les philosophes grecs déjà, puis par l’Eglise catholique à travers les siècles ; il présente honnêtement les prises de position récentes de l’Eglise sur le sujet.
Avec son interprétation originale du Marchand de Venise, Paul Clavier commente l’instrumentalisation du prêt à intérêt et tire des conclusions inattendues jetant une autre lumière sur le prétendu antisémitisme de la pièce de Shakespeare.
A la fin de ces conversations, le lecteur sera peut-être convaincu par la jeune stagiaire Preta Tozzero qui - comme son nom l’indique - défend énergiquement la position que le juste prêt est sans intérêt.
Pour ce faire, elle n’hésite pas de citer de grands économistes, comme Maurice Allais, Prix Nobel d’économie 1988, qui écrit : « Le mécanisme du crédit aboutit à une création de moyen de paiements ex nihilo, car le détenteur d’un dépôt auprès d’une banque le considère comme une encaisse disponible, alors que, dans le même temps, la banque a prêté la plus grande partie de ce dépôt, qui, redéposée ou non à une banque, est considérée comme une encaisse disponible par son récipiendaire. A chaque opération de crédit, il y a ainsi duplication monétaire. Au total, le mécanisme de crédit aboutit à une création de monnaie ex nihilo par de simples jeux d’écritures. » (La crise mondiale d’aujourd’hui)
Création ex nihilo ? N’avons-nous pas appris jadis que c’est là le privilège exclusif de Dieu ? Peut-être que la finance et l’argent veulent vraiment prendre la place de Dieu. Lloyd Blankfein, le PDG de Goldman Sachs, ne prétendait-il pas vouloir « faire le travail de Dieu » ? Jugée dangereuse ou dérisoire selon le point de vue, pareille dynamique financière se voulant omnipotente doit être freinée. Mais comment ?
Que les responsables politiques réexaminent le dossier et prennent les décisions pour arrêter la financiarisation de l’économie si néfaste à son développement. Les moyens pourraient bien être, comme le propose Petra Tozzero, une monnaie 100% Banque Centrale qui évite que le pouvoir d’achat ne soit à la merci des prêts et une interdiction totale des prêts à intérêt pour empêcher une minorité de faire de l’argent avec le travail des autres.
P. Jean-Jacques Flammang SCJ
Article paru dans la Warte du Luxemburger Wort, le 2 avril 2015.
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