Dieu et les mathématiques

Dieu et les mathématiques
Le plus grand logicien depuis l'antiquité grecque Kurt Gödel est connu pour son théorème d'incomplétude. Moins connus sont ses travaux sur la complétude, son modèle des équations d'Einstein permettant des boucles temporelles et finalement sa preuve en logique modale de l'existence de Dieu. Ces travaux non moins remarquables, mais souvent mal interprétés, mettent en évidence l'universalité d'un génie au destin tragique.
Comme jeune étudiant à Vienne Gödel avait prouvé le résultat classique désormais dans les masters d'informatique ou de logique que tout système d'axiomes syntaxiquement non contradictoire admet un modèle. (Presque en même temps un résultat analogue a été formulé par le jeune mathématicien français Jacques Herbrand.[1]) Pour le logicien autrichien ce fut le début d'une carrière avec peu de publications mais dont chacune marqua son temps.
Au début du 20e siècle le mathématicien allemand David Hilbert avait, lors de son intervention au colloque international de mathématiques, dressé la liste des problèmes de mathématiques qu'il considérait important à être résolus dans un avenir proche. Un de ces problèmes était de déterminer un système d'axiomes permettant de déduire tous les énoncés vrais des mathématiques. Gödel avec son théorème d'incomplétude marqua un coup d'arrêt à ce programme : Il montra que pour tout système consistent d'axiomes de l'arithmétique pouvant être formulé il existe des énoncés vrais mais non démontrables moyennant ces axiomes. Sa méthode revenait à coder en arithmétique l'énoncé « Cet énoncé n'est pas démontrable ».[2]
Gödel avait la faculté unique de trouver la réponse clé à des questions essentielles de la logique et des mathématiques. Son approche précise et rigoureuse qui lui permit de poser les jalons de la théorie de la démonstration moderne, était un trait essentiel de sa personnalité en contraste souvent avec les défauts d'organisation du monde dans lequel il vivait. Ainsi sa biographie relate que lors de son arrivée aux États-Unis pendant la guerre il avait trouvé des contradictions dans les documents détaillant la procédure d'immigration. Sur conseil d'un ami il évita de les relever.
Gödel était de nature suspicieuse mais sa maladie n'enlève rien à la qualité des résultats qu'il a prouvés. Sa pensée, loin d'être désordonnée, était plutôt empreinte du souci de rigueur mathématique au point d'être inadapté par son excès.
Gödel était spiritualiste - il croyait aux esprits. La preuve de Dieu en logique modale, qu'il avait longuement travaillée avant d'en parler à quelques amis choisis reflète encore son souci de perfection formelle. Sa motivation selon ses propres dires, et la raison de l'avoir retenue était qu'il avait peur qu'elle soit interprétée comme la volonté de convaincre les gens de l'existence de Dieu. Son vrai souci était de montrer que l'on pouvait formaliser un argument proche de celui prouvant l'existence de Dieu selon Saint-Anselme. Gödel était intéressé par les questions reliant la théologie et la logique et s'inscrivait dans la longue tradition des philosophes et théologiens qui depuis l'antiquité à nos jours ont cherché à rendre compte du divin en utilisant la raison. Il était persuadé que l'interaction de la théologie et de la logique pouvait être très riche en enseignements.
Son argument est simple, il prouve l'existence d'un être parfait (sans expliciter toutes ses qualités néanmoins) de la manière suivante. Gödel donne d'abord quelques axiomes auxquels doivent répondre des propriétés dites positives. Ces axiomes sont naturels et peuvent être facilement acceptés. Ainsi par exemple l'existence est une propriété positive. Gödel déduit alors pas à pas moyennant des règles formelles de la logique modale qu'il existe un 'être' qui possède toutes les propriétés positives. Il montre que cet être possède la propriété de l'existence nécessaire.
En cet endroit quelques observations semblent s'imposer :
Il convient de ne pas résumer la théologie à l'existence de Dieu, ni au fait que Dieu est parfait. Il est vrai cependant que le raisonnement certes fait dans un cadre formel reflète la structure universelle du raisonnement humain et en tant que tel peut être refait par chacun qui a la volonté de le faire.
Le raisonnement rend compte de certains aspects de Dieu mais pas d'autres aspects qui sont aussi légitimes. Les preuves ontologiques montrent que l'on ne peut pas logiquement nier l'existence de Dieu même si Dieu nous laisse le temps et la liberté de nos propres convictions.
Une approche alternative de Dieu au raisonnement est celle de la tradition. Dieu ne se démontre pas, Dieu se révèle et est porté par nos témoignages.
Dans ses dernières années la suspicion maladive de Gödel prit des traits de paranoïa. Gödel avait peur d'être empoisonné et il fallut que sa conjointe goûte d'abord aux plats avant qu'il accepte de les manger. Quand celle-ci dût être hospitalisée pendant quelque temps Gödel mourut d'inanition.
Tom Krantz
[1] Celui-ci mort peu après lors d'une randonnée en montagne aurait pu devenir logicien au sein du groupe de mathématiciens Nicolas Bourbaki, peu intéressé dans la suite à des questions de logique.
[2] L'affirmation ne peut être démontrable moyennant les axiomes fixés sans être faux. Donc il est non démontrable et par là vrai. Le lecteur non habitué à ce genre de raisonnements objectera peut-être que nous venons bien de démontrer l'affirmation. Or nous avons utilisé des arguments qui dépassent quelque peu le cadre du système formel fixé à l'avance et raisonné dans un méta-système distinct.
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