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Dehaene et Dehon 2

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Monsieur Dehaene, éducateur du Père Dehon Monsieur Dehaene, éducateur du Père Dehon

Dehaene et Dehon (suite)

Première partie: Dehaene et Dehon

 

9. Les collègues de M. Dehaene, pp. 303 et suivantes

   Les collaborateurs laïcs de M Dehaene au collège communal furent MM. Lefevbre, Vallée, Robert, Coache et Debusschère…

   M. Dehaene regardait le mélange laïcs-ecclésiastiques, dans le corps professoral, comme « pouvant être très utile aux élèves » (p. 308).

   M. Dehaene laissait aux professeurs « beaucoup de latitude ». Dans son collège on se mouvait avec beaucoup « de spontanéité et de liberté ». Rien d’artificiel ni de guindé. M. Dehaene disait aux maîtres : « Soyez, vous Messieurs, soyez vous, sauf vos défauts. Quant au reste, aimez la besogne, aimez vos enfants » (p. 308).

   On a accusé M. Dehaene d’être quelquefois trop accueillant, avec quelque justesse. Mais lui ne put s’empêcher de garder « la foi candide en la bonne volonté humaine », p. 309 .

   « Certains défauts extérieurs des maîtres ne lui semblaient pas sans utilité dans l’œuvre d’éducation » p. 310. Sans cela une école « ne serait pas le noviciat de la vie réelle ».

   Les professeurs du collège furent presque tous « des hommes de réel dévouement »

   Après la Révolution, le budget de l’instruction publique était maigre. On reprenait l’héritage des Ordres religieux qui se contentaient de peu. Les professeurs étaient mal payés et peu considérés. Il fallait une sorte de vocation à l’étude, à l’éducation, pour y entrer.

 

  M. Coache, père de famille, fut le collaborateur de M. Dehaene pendant 18 ans, comme professeur de troisième. Sa classe était comme un prolongement de sa vie de famille. Il avait la manie de la botanique et un petit stock d’histoires qu’on se transmettait de génération en génération. Il quitta Hazebrouck en 1855, pour mourir en 1856 à 55ans, laissant une famille de 10 enfants, la plupart en bas âge.

  Augustin Debusschère, professeur de 1825 à 1847, fondateur des « cours de français ». Il devint aveugle. Il était membre du Conseil supérieur d’enseignement et président des conférences d’instituteurs, très ancienne en Flandre. Homme très serviable, il eut une salutaire influence sur nombre d’instituteurs du pays.

  M. Robert, des environs d’Avesnes. Rude Picard à la raideur inflexible. Quitta l’enseignement en 1858. Un peu imbu des préjugés universitaires, possédant très bien les langues anciennes, avec une culture historique intéressante. Très sociable et très causeur.

  Il faut remarquer que la retraite des professeurs était pénible. On n’en finissait pas avec les démarches pour obtenir une modique pension insuffisante pour vivre décemment.

  M. Vallée reprit la classe de M. Robert. Natif de Cambrai, il vécut à Hazebrouck de 1837 à 1870. Homme rigide, mais excellent professeur de quatrième. Homme de foi qui, chaque jour, s’arrêtait à la chapelle avant de commencer sa classe. Beau commentaire des prières liturgiques de l’Église aux différentes époques.

  M. Lefebvre, professeur de cinquième pendant 20 ans. Après la disgrâce de M. Dehaene et le départ de M. Pourtaultz, il refusa le titre de principal et alla au collège de Tourcoing.

  M. Édouard Scheercousse, professeur de sixième, mort en mai 1858.

  M. Charles Boidin, son successeur, homme très délicat, ami des pauvres… Passa à Ars, communiqua au saint Curé qu’il songeait à se marier : « Pensez plus aux quatre planches », fut la réponse. Il mourut en 1860.

  M. Gobrecht, professeur de huitième, dont les « pénibles fonctions abrégèrent les jours » p. 321.

  M. Renard, professeur de mathématiques pendant sept ans. Mourut en se noyant accidentellement (1851), « union de la science, de la délicatesse et de la distinction ».

  M. Lebas, professeur de mathématiques, posé, très studieux, licencié en sciences mathématiques, sévère mais juste. Exigeant, mais donnant l’exemple du travail.

  M. Barnave, de la Drôme. Petit homme heureux, d’un sérieux presque comique. Il prenait pension au collège, n’ayant pour chambre qu’une alcôve aux parois de toile…

  M. Gantier, fidèle à M. Dehaene, resta à Saint-François jusqu’à sa mort (18 novembre 1874), éléments du français et surveillance de la deuxième division. Aimable, enjoué et spirituel (il avait la charge de la librairie).

 

Les collègues ecclésiastiques de M. Dehaene.

Quelques considérations sur le professorat des clercs. Monseigneur Régnier ne considérait pas l’enseignement « comme une mission exceptionnelle » pour un clerc.

  M. Jansscone passa la licence ès lettres, enseigna la seconde brillamment, puis entra aux Missions étrangères (ordonné en 1866) et partit pour l’Hindoustan (Bengalore).

  M. Sergeant, un des plus grands amis de M. Dehaene, devenu jésuite, resté professeur de septième par dévouement (1845 - 1850).

  M. l’abbé Jos. Delelis, de petite santé, fondateur des collèges de Dunkerque et de Gravelines, revenait à Hazebrouck comme à un port d’attache. Il se retira en 1862.

  L’abbé Rousseau fut professeur à Hazebrouck de 1844 à 1845.

  L’abbé Charles Boute, professeur de rhétorique de 1850 à 1865. Puis économe de 1865 à 1872. Professeur de jugement sûr, d’une érudition remarquable, helléniste distingué, surnommé au village ‘den bisshop van de collège’ à cause de sa taille imposante et de sa gravité dans les offices. Doué du sens exquis de la mesure.

  M. Lacroix, le plus populaire des collègues de M. Dehaene. Professeur de divers établissements, il fut préfet de discipline de 1850 à 1881. Homme de cœur, il ne vivait que pour les élèves qu’il suivait partout. Pendant plusieurs années il fut aussi professeur de sixième. Il mourut en 1884.

  M. Dekeister, cousin de M. Dehaene, donna sa démission de vicaire de Hazebrouck en 1846 pour s’attacher au collège (avec le titre de Directeur, associé avec M. Louis, le frère de M. Dehaene, dans l’administration du secrétariat et des finances). En 1896 il fut nommé curé du Vieux-Berquin, jusqu’à sa mort en 1888.

  M. Louis, vocation tardive, homme simple et bon, prêtre en 1843, économe à Hazebrouck et aumônier de la Sainte Union. Son frère comptait beaucoup sur lui pour l’administration matérielle et aussi le soutien moral. Sa mort, le 13 juin 1863, fut un coup très dur pour M. Dehaene, dont la santé fut ébranlée par cette épreuve, « la moitié de lui-même ». Il fit une dépression nerveuse extrême.

 

10. L’Institution Saint-François d’Assise

   M. Dehaene s’était retiré au couvent des Capucins selon la décision de Monseigneur Régnier, dès le mercredi 8 mars 1865. Il s’installa avec MM Boute, Debusschère (fils), Baron, Hébant et 4 élèves.

   On sollicita M. Dehaene de venir renforcer le collège des Dunes à Dunkerque. Mais l’archevêché préféra jeter les bases d’un petit séminaire pour les vocations flamandes (lettre du 18 mars 1865).

   M. Dehaene alla trouver le ministre Duruy qui fut négatif. Mais M. Plichon, le député, entra en lice, conseilla d’user des droits que donnait la loi de tenter l’approbation préalable du Conseil départemental et du Conseil supérieur de l’instruction. L’affaire fut décidée au Conseil départemental et tranchée en faveur de M. Dehaene par 7 voix contre 4 (celles des officiels). On n’osa pas en appeler au Conseil supérieur de Paris, et M. Dehaene, toutes déclarations faites, pouvait commencer son collège.

   D’autre part, venait à Douai un Recteur d’académie, M. Fleury, qui n’avait pas l’animosité de son prédécesseur, M. Guilmin.

   M. Dehaene recommençait à 60 ans une nouvelle vie. On éleva les bâtiments d’un étage, et à la rentrée on était 175 élèves dont 120 pensionnaires.

   De 1865 à 1870 il y eut « cordiale joie et épanouissement », malgré la difficulté des locaux. M. Dehaene rédigea un règlement judicieux.

   « On ne connaissait pas le luxe, tant s’en faut » (p. 374). « Les enfants ne sont pas difficiles… Ils croient que les choses doivent être comme les sont… Plus ils ont de privation, mieux ils se forment » (p. 376). Le travail fut immédiatement en honneur… Un courant vers les missions étrangères se formait et de nombreux missionnaires sont sortis de Saint-François.

  À Saint-François « M. Dehaene donnait plus libre carrière à son zèle, à ses exhortations » (p. 377). « Ils sont bien nombreux, ceux qui doivent à M. Dehaene leur sacerdoce ». Mais il y avait aussi un fort contingent de jeunes gens qui se destinaient aux carrières libérales ou venaient simplement pour se dégrossir… M. Dehaene aimait cette fusion au collège de l’élément laïc et de l’élément clérical. Les années 1865 - 1875 furent « l’âge d’or de sa vie » (p. 379).

 

11. Projet d’association/Petit séminaire

   M. Dehaene a eu un rêve qui fut celui de toute sa vie : établir une petite Congrégation d’enseignement chrétien et de prédication : « les membres se seraient appelés ‘Prêtres de Notre-Dame-des-Dunes’ » (p. 503). Il se mit à l’œuvre pour gagner approbations et sympathies. Il vit plusieurs personnes à Cambrai, reçut les encouragements de M. Debrabant, le « Supérieur général de la Sainte-Union, prêtre tout à fait selon le Cœur du bon Dieu » (p. 504).

   En 1864 il s’ouvre de son projet à Monseigneur l’archevêque, de passage à Dunkerque, en présentant son œuvre comme destinée à encourager les vocations ecclésiastiques. « L’archevêque a accueilli mon projet avec amour…, m’a béni de ses deux mains » (p. 504). « Je songe à quelque chose de semblable pour mon œuvre Saint-Charles ». Durant les vacances de 1864, il rédige une petite règle. Il va à Ars. Après l’expulsion du collège (1865) il se trouve plus libre encore.

   La fondation pourrait prendre corps à Saint-François, dont on prendrait le nom et dont on prendrait aussi l’esprit qui plaisait tellement à M. Dehaene. Il dirigeait depuis le départ des Capucins le tiers-ordre de Hazebrouck. Son Institut serait un tiers-ordre régulier enseignant (avant la Révolution il y avait au moins 500 religieux du Tiers-Ordre régulier en France). Il pensait soumettre son projet au Pape et recevoir une parole d’encouragement.

   Audience, le 8 juillet 1867 : Hélas ! le bon supérieur fut déçu, l’audience fut faite en commun avec d’autres visiteurs et très rapide. Il ne se rendait pas compte de la manière dont les choses doivent aller.   

   En 1867 M. Dehaene écrivait : « Notre Congrégation compte seulement trois membres liés par des engagements perpétuels » (sans doute privés), novembre 1867. D’autre part Monseigneur Régnier trouvait, au fur et à mesure que les années passaient, « l’idée bonne en théorie, irréalisable en pratique » (p. 508).

   Après le Concile et après la guerre de 1870, il s’oriente du côté des Franciscains qui l’encouragent (voyage à Bordeaux en 1872). Mais Monseigneur Régnier s’oriente pour les collèges à fonder vers les Ordres existants : Jésuites, Maristes… et puis Monseigneur prétend « que, pour le moment, il n’y a rien à faire, à cause de l’imminence d’une crise sociale » (lettre du 19 mars 1872).

   Il poussa son ami, Monsieur Dehon, à une entreprise pareille, lettre du 8 février 1878, p. 510. La transformation du collège en petit séminaire « porta le coup de mort à son projet. Il prononça un généreux Fiat », p. 510, février 1874.

 

Petit Séminaire

« Faire d’un pauvre couvent un vaste collège, tout cela avait entraîné des dépenses et créé une dette considérable », p. 511.

   M. Dehaene, malgré le nombre des pensionnaires, ne réussissait qu’à couvrir les frais ordinaires, sans pouvoir amortir la dette. Il recevait beaucoup d’enfants quasi gratuitement, surtout des vocations. « Si vous savez compter sur Dieu, jamais un enfant qui veut se consacrer à l’autel ne se verra frustré de sa pieuse espérance faute de ressources matérielles… »,  discours de M. Dehaene, p. 512. D’autre part les vivres devenaient de plus en plus chers.

   Mais le déficit augmentait, et M. Dehaene ne recevait aucune subvention, ni de la ville, ni de l’État, ni du diocèse : « Il devait se suffire », p. 511. M. Cailliau représenta à Monseigneur que M. Dehaene avait sacrifié tous ses intérêts en faveur des vocations dont le diocèse avait largement bénéficié. Il proposa de rattacher le collège de Hazebrouck à l’œuvre des petits séminaires. M. Legrand, curé-doyen de Merville, étudia le projet, et l’agréa. On en fit part à M. Dehaene qui sacrifia tous ses projets de « fondateur » et tout ce qu’il possédait (en société civile avec deux autres ecclésiastiques). On obtint facilement du Maréchal Mac-Mahon l’institution, difficile alors, d’un petit séminaire, avec ses prérogatives et privilèges d’alors. (12 décembre 1873) : « le petit séminaire de la Flandre ».

   Peu à peu M. Dehaene fut amené à l’institution stricte des « petit séminaires » : suppression des cours étrangers à l’œuvre ; d’où élimination des « laïcs », suppression du dessin, de la fanfare, de la classe de philosophie, de l’externat… Tout cela fit souffrir M. Dehaene, mais en silence. Plus tard le séminaire perdit ses droits de « petit séminaire » et redevint l’Institution Saint-François d’Assise en 1890 (vengeance de l’administration civile). Un second collège ecclésiastique fut fondé à Hazebrouck.

 

12. M. Dehaene, prédicateur, directeur

   M. Dehaene a prêché beaucoup de « missions » et aussi des « carêmes ». Bien souvent on peut noter dans les compte-rendus : « son zèle et ses instructions ont été cause que ces exercices ont pleinement réussi ». Il parlait avec une émotion et une force extraordinaire, surtout sur les grands sujets. « Quand il parlait de l’enfer, son éloquence était superbe » p. 384. Il parlait surtout de la nécessité de la prière.

   En Flandre les stations de carême étaient des « méditations » sur la Passion de Notre-Seigneur. Les premières communions avaient lieu généralement le dimanche de la Passion, ce jour-là on parlait du devoir pascal. Le Jeudi-saint il prêchait sur la compassion de la sainte Vierge.

   Il aimait prêcher au pèlerinage de saint Gohard, patron d’Arnèke. On l’invitait souvent pour les prédications en plein air : inauguration de calvaires, bénédiction de cloche, orgues, etc… Chaque année il prêchait plusieurs fois aux premières messes de ses anciens élèves.

   La semaine religieuse de Cambrai rapportant des festivités l’appelle parfois « le Chrysostome de la Flandre ». M. Dehaene a formé plus de 200 prêtres !

   Il a prêché également aux professions religieuses au Carmel d’Ypres, chez les ursulines de Gravelines…

   M. Dehaene avait la conviction, le cœur, l’imagination, voix chaude, étendue, vibrante… Donc action très puissante et très énergique.

 

   « Les vertus qui nous semblent avoir paru davantage dans l’abbé Dehaene sont le zèle, le désintéressement et l’humilité », p. 417.

   Il était fidèle à entretenir son zèle par une vie de profonde piété.  Jamais il n’eut le souci de s’enrichir ; il fut très large pour les pauvres enfants, et les pauvres de la ville et de la région. De là l’amour des humbles pour sa personne.

   Malgré tous les tracas, il fut toujours fidèle à se soumettre à l’autorité, à s’effacer.

   Dans sa direction, il insistait sur la nécessité d’être homme de principe. Il recommandait l’humilité, la prière, la mortification. Il était très sévère pour les manquements à la charité.

   Il revenait sans cesse à l’amour de Notre-Seigneur : « Ne vivre que pour Jésus. Soyez délicat envers Lui. Serrons-nous autour de son cœur, pour le consoler des douleurs et des outrages. Un acte d’amour parfait lui procure plus de plaisir que tous les crimes de la terre ne lui causent de peine », p. 427.

   Il demandait qu’on suive un « règlement » : « un règlement est une chaîne par laquelle nous tenons à Dieu quand notre cœur n’y pense pas » p. 429.

   Il favorisait les vocations, surtout les vocations missionnaires.

   Quand le séminaire commença, l’administration diocésaine insista pour qu’il dirigeât les jeunes gens épris d’action apostolique aussi vers le diocèse. Il confessait et dirigeait un certain nombre de prêtres. « L’autorité est une vertu éminemment sacerdotale », disait-il, p. 434.

 

13. Dernières années.

   M. Dehaene était très attaché à son pays. Il a, sa vie durant, « défendu contre d’injustes dédains cette langue de sa mère et du pays de son père, « moedertael en  Vaterland », p. 467. Il risqua même un jour de s’élever contre le projet d’un monument commémoratif de la troisième bataille de Cassel, qui permit au traité de Nimègue, 1678, de prendre aux Pays-Bas espagnols une partie de la Flandre flamande. « Est-ce bien de célébrer nos défaites ? », lettre au docteur Desmyttère, auteur du projet. Il créa un cours officiel de langue flamande, dimanche après Vêpres, pour les besoins du ministère des futurs prêtres.

   En 1870 M. Dehaene se fit un ardent propagateur de la défense du Saint-Siège. L’archevêque, Monseigneur Régnier, avait défendu l’infaillibilité au Concile, suivi par la majorité de ses prêtres.

   Après les désastres de 1870, il forma un comité catholique à Hazebrouck, l’exemple de M. de Mun faisait tache. Il contribua à la fondation de l’Université catholique de Lille, comme représentant des collèges de Flandre. Il contribua au succès de la souscription, après la loi du 12 juillet de 1875. M. Dehaene vers 1852 appuya le mouvement des auteurs chrétiens. Il écrivit au Père Dehon dans ce sens le 18 février 1878.

  Il resta plutôt fidèle à la monarchie traditionnelle, malgré le penchant du pays flamand pour la démocratie et les libertés communales. À l’occasion de son voyage en Allemagne, il fit le « pèlerinage » de Frohsdorf, 13 septembre 1878, avec M. Verhaege. Il assistait à la messe du 21 janvier.

   Dans ses dernières années il eut la douleur de devoir faire place dans sa propre maison aux nouveaux occupants, de devoir accepter de ne plus s’occuper d’aucune œuvre, par suite de l’hostilité des officiels et de la crainte de Cambrai devant sa personne « compromise », pensait-on. Ce qui n’était chez M. Dehaene qu’une noblesse, une fidélité à un idéal.

   Il dut déménager, il mourut dans la pauvreté et tristesse morale et physique (15 juillet 1882).

 

 

 

 

[À ces 17 pages, 4 autres sont jointes, également dactylographiées, toujours du P. Denis.

Les citations explicites du P. Dehon sont reproduites ici en italique]

 

Le Père Fondateur au collège de Hazebrouck, d’après les Notes du l’Histoire de ma vie, NHV 1, 12b et suivantes.

 

Occasion : M. Boute, curé de Wignehies, est nommé professeur au collège de Hazebrouck. M. Boute était descendu chez les parents du P. Fondateur à l’occasion d’un voyage dans le pays, une de ses paroissiennes était servante chez les Dehon.

   Normalement Léon aurait dû, selon les prévisions de son père, aller dans un lycée à Paris. Il entra à Hazebrouck avec son frère Henri, le 1er octobre 1855.

Je reçus là de telles grâces que je n’y puis penser sans être ému de reconnaissance. Notre-Seigneur devait vraiment me prendre là sur son Cœur et me combler de ses tendresses (13r-v).

 

 Collège : La vie était austère dans ce collège. Une partie des bâtiments était à l’état de masure. On mangeait le pain noir toujours. La règle était virile : lever matinal, peu de feu, beaucoup de travail et peu de congés (13 v).

Vacances à Pâques et aux grandes vacances.

Quinze lieues pour atteindre le chemin de fer à Valenciennes.

 

Portrait de M. Dehaene 

   Une nature d’élite. Il était ardent comme un homme du Midi, correct et digne comme un homme du Nord… Il évangélisait la Flandre… il savait être extrêmement bon et réservé tout à la fois. J’eus le bonheur d’être pendant quatre ans son pénitent. Il me garda une affection que je ne méritais pas (NHV I, 14r - v).

 

Lettres de M. Dehaene, d’après NHV I, 15 et suivantes :

Du 26 avril 1866 : Félicitations pour l’entrée dans la cléricature. Travaille à se survivre dans une association de prêtres (cf. Vie, par Lemire)

Il m’écrivait une ou deux fois l’an. En 1872 il m’écrivit plusieurs fois pour me donner des nouvelles de mon bon maître, M. Boute, qui se mourait.

Du 1er avril 1878 : « Votre projet de Congrégation me plaît en tout point : il y a là et saint François et le Sacré Cœur, dévotion de la fin des temps et l’esprit d’immolation et d’expiation : quoi de plus opportun ! » (NHV I, 16 r).

Je me complais à dépeindre ce père de mon âme. Il me semble qu’il a obtenu de Dieu de faire passer dans mon âme quelque chose de la sienne (16 v).

 

M. Boute

M. Boute a été un maître, mais un vrai et bon maître, dans tout le sens chrétien du mot. Je lui dois ma première formation littéraire et l’éducation de ma raison.

   Pendant quatre ans, de 1855 à 1859, il a été mon mentor, mon conseiller, mon protecteur. Pendant deux ans, de 1857 à 1859, il était de plus mon professeur et quel professeur !... Quel bon humaniste ! Il était grave, précis, méthodique et vraiment érudit… (17 r - v).

  

(Né à Armentières en 1803)

 M. Boute m’écrivit une ou deux fois chaque année jusqu’à sa mort qui arriva en 1872 (16r).

Extraits de lettres : Mai 1862 

13 janvier 1863 (approbation du règlement de vie)

16 octobre 1863 (approbation des voyages)

13 août 1864 : lettre sévère pour dissuader le voyage en Orient (puis contentement)

  Il vint me voir à La Capelle aux vacances de 1866.

En janvier 1868 « il me félicite de mon ordination au sous-diaconat (I, 20r).

21 janvier 1869 : (après l’ordination sacerdotale). Il avait formé le projet d’aller à Rome, (en avril 1869, jubilé sacerdotal de Pie IX), mais il fut retenu par ses occupations et ses maladies. Notre-Seigneur allait le préparer à la mort par trois ans de souffrances (21 r).

 

Divers extraits de lettres. NB. Son jugement sur son ancien élève : I, 22.

 

Les professeurs du collège de Hazebrouck. 

  Intéressant à comparer avec ce que dit Lemire dans sa Vie de M. Dehaene

  Souvenir spécial du Surveillant l’abbé Lacroix : bon prêtre, cœur excellent, caractère militaire.

M. Vallée, laïc. M. Evrard, prêtre.

 

Vie spirituelle au collège. Son influence formatrice.

1. Influence spéciale des retraites : La première retraite me fit une impression vraiment extraordinaire. Je reçus dans cette retraite des grâces peu communes…  (24 v)

2. Confesseur : M. Dehaene.

3. Livres :  Ma bonne mère m’avait donné le Manuel du Sacré-Cœur. Ce livre fut mon vrai livre ascétique. Les années suivantes j’y joignis la Vie dévote et l’Imitation  (24 v).

4. Camarades. Je m’attachai surtout à Vasseur Philémon, élève de ma classe, sage, pieux et de bon conseil  (25 r).

5. Associations.

Congrégation de la sainte Vierge. Je ne tardais pas à entrer dans la congrégation de la sainte Vierge. Je dois beaucoup à cette pieuse association. M. Dehaene en tenait les réunions régulièrement. Il nous formait à la piété et au zèle  (25 r).

 Je devins secrétaire puis vice-président de l’association (25 v).

J’entrais aussi dans la Société de Saint-Vincent-de-Paul. J’en fus longtemps le trésorier. Je dois beaucoup aussi à ces bonnes réunions  (ibid.)

 

La vie de l’étudiant L. Dehon au cours des années 1856 – 1859

 

Seconde année 1856-1857 (I, 25 b et suivantes), classe de troisième.

 

Enfant de chœur :  Je devins enfant de chœur et je pris un grand goût pour les choses de l’autel (mêmes fonctions à Rome, plus tard)

 Comme enfant de chœur j’allai assister à l’office de minuit chez les Capucins. Je reçus là une des plus fortes impressions de ma vie. Notre-Seigneur me pressa fortement de me donner à Lui… Il me resta longtemps l’impression que ma conversion datait de ce jour-là… 

 

Pèlerinage au mont des Cats, chez les Trappistes (sans indication de date)

 C’était pour moi la première révélation de la grande vie monastique 

 

Âge critique

La lutte fut terrible. J’étais tenté d’orgueil, de vanité, surtout de sensualité… Je gardais avec tout cela toutes mes pratiques pieuses. Je couchais sur une planche… J’imposais à mon palais des mortifications bien rudes, je me déchirais jusqu’au sang… Cette lutte se prolongea pendant la classe de seconde avec des alternatives de repos… 

 

Fréquentations 

Souvent sorties et congé chez les Vandewalle à Hazebrouck, ou chez les Dassonville à Armentières (Léon avait des condisciples dans ces deux familles).

(prière faite en famille, prières avant et après les repas, bénédictions du chef de famille le soir, langage toujours chrétien).

Le peuple ne parlait que le flamand. Clergé nombreux, actif, dévoué.

Combien je bénis la Providence de m’avoir transplanté dans ce pays de foi, de mœurs viriles et chrétiennes ! (28r)

Confirmation : 1er juin 1857, au collège de Poperinghe (Mgr Malou)

 

Vocation  (depuis la nuit de Noël) ma résolution ne fut jamais sérieusement ébranlée

La grâce agissait si fortement dans mon cœur ! Les communions et les lectures m’impressionnaient si vivement !...

Dès le commencement, je songeai à me donner sans réserve. Je voulais être religieux ou missionnaire… La lecture de la vie de saint Louis de Gonzague pendant une retraite a eu pour toute ma vie de très grandes conséquences. Avec quel intérêt je lisais les récits de la Propagation de la foi et de la sainte Enfance ! (29 r).

 

Voyages  (aux premières vacances en 1856 je fis un beau voyage avec M. Demiselle. Charleville et vallée de la Meuse, Aix-la-Chapelle, Cologne… J’observais, je notais, je préludais à ma vie de voyageur. Tout était consigné dans mon carnet…(29v-30r).

1857 ? Aux vacances suivantes nous fîmes un pèlerinage de famille à Notre-Dame de Liesse. .. Je priais de tout cœur.

1858 : L’année suivante ce fut Chimay, ses châteaux, son parc… Mais ce qui me frappa plus que la ville à Chimay, ce fut la Trappe que nous visitâmes en détail avec mon père. Tout me parut vraiment grand et admirable… Nous prîmes un modeste repas et nous assistâmes au chant de l’après-midi. Cette visite fit sur moi et sur mon père une impression profonde (I, 30 v).

 

Fin des humanités (1859)

   Je subis avec succès l’épreuve du baccalauréat ès lettres le 16 août 1859 devant la faculté de Douai. J’avais 16 ans.

   J’emportais (du collège) les plus précieux trésors, le goût et l’habitude de la piété, le zèle des œuvres, une foi assez éclairée, des amitiés fidèles, des, souvenirs bien doux, une connaissance suffisante de ma vocation.

   Je m’étais fait inscrire au mois de juillet dans la Confrérie du Sacré-Cœur. Notre Seigneur avait gagné mon cœur pour toujours (30 v).

 

Texte établi par le P. André Perroux scj

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